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15 février 2021 1 15 /02 /février /2021 15:37
 
 
Des journalistes «entravés» à Calais :
la Défenseure des droits saisie

La Défenseure des droits a été saisie après que deux journalistes ont été empêchés d’entrer dans le périmètre de sécurité lors d’une opération d’évacuation de migrants. Ils dénoncent une entrave à la liberté d’informer.

 Le Parisien avec AFP 
Le 15 février 2021 à 14h37

La Défenseure des droits a été saisie par le Syndicat national des journalistes (SNJ) au sujet de deux journalistes qui ont été empêchés d’accéder à des évacuations de camps de migrants, et dénoncent une entrave à la liberté d’informer, a appris l’AFP ce lundi 15 février.

Ces deux journalistes ont témoigné de leur impossibilité à pénétrer dans les périmètres de sécurité entourant des opérations d’évacuation menées à Calais, Grande-Synthe et Coquelle (Nord et Pas-de-Calais), à cinq reprises, les 29 et 30 décembre derniers.

Les deux reporters avaient tenté une procédure de référé-liberté auprès du tribunal administratif de Lille pour obtenir l’accès à ces opérations, avec le soutien du SNJ, mais ils ont été déboutés début janvier. Le tribunal avait estimé que leur demande n’avait pas de caractère d’urgence car ces évacuations étaient « terminées ».

« À chaque fois, en arrivant sur le terrain, après contrôle de nos papiers d’identité, de ma carte de presse, qui ont été photographiés sur ce qui semble être les téléphones personnels des policiers, on s’est heurté à un refus de nous laisser passer pour travailler. Nous avons été tenus à 200 ou 300 m de distance, pendant plusieurs heures », racontait à l’époque le photojournaliste Louis Witter.

Clarifier les conditions d’accès

Dans un courrier adressé à la Défenseure des droits, les avocats du syndicat, Me William Bourdon et Me Vincent Brengarth, lui demandent d’apporter une clarification sur les conditions dans lesquelles les autorités administratives peuvent fixer des périmètres de sécurité desquels les journalistes sont exclus.

« Aucune raison ne nous semble justifier l’exclusion des journalistes des périmètres de sécurité », font-ils valoir, car ces dernier « exercent un droit démocratique fondamental, plus encore dans des zones où les droits des réfugiés sont totalement bafoués ».

Me Vincent Brengarth explique également à l’AFP que l’incertitude plane sur l’activité des journalistes dans ce type d’événements, puisque les périmètres de sécurité « sont laissés à la discrétion de la police, sans qu’on en sache les critères ».

Plus largement, le syndicat souhaite qu’une réflexion s’engage autour des atteintes à la liberté de la presse, dans un contexte de « rétrécissement considérable de la liberté d’informer ». Il fait ici, notamment, allusion à la proposition de loi « Sécurité globale » qui vise à pénaliser la diffusion malveillante de l’image des policiers. Un texte jugé liberticide par ses détracteurs, dont le SNJ est l’une des figures de proue.

Dans l’affaire de l’accès aux camps de migrants, le SNJ souhaite être reçu par la Défenseure des droits.

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15 février 2021 1 15 /02 /février /2021 07:08

https://www.leparisien.fr/faits-divers/deux-policiers-mis-en-examen-pour-des-violences-sur-des-gilets-jaunes-dont-jerome-rodriguez-10-02-2021-8424282.php

Deux policiers mis en examen
pour des violences sur des Gilets jaunes,
dont Jérôme Rodriguez

Jérôme Rodriguez, l’une des figures du mouvement contestataire, avait été gravement blessé lors d’un rassemblement organisé le 26 janvier 2019 à Paris.

Deux policiers ont été mis en examen ce mercredi pour des faits de violences commises contre des Gilets jaunes. Parmi les faits reprochés, l'éborgnement de Jérôme Rodriguez, figure du mouvement, le 26 janvier 2019.

Le policier accusé d'avoir lancé la grenade qui a causé la perte de l'œil droit de Jérôme Rodrigues lors du rassemblement du 26 janvier 2019 à Paris, a été mis en examen pour des « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente », aggravées. Une qualification criminelle passible des assises.

L'autre policier est poursuivi pour des « violences volontaires aggravées » sur un autre manifestant participant au même rassemblement, un ami de Jérôme Rodriguez prénommé Mickaël. Les deux fonctionnaires ont été placés sous contrôle judiciaire par les juges d'instruction, chargés des investigations depuis le 13 février 2019.

Les policiers disent avoir fait face à de l'hostilité

Ce mercredi, l'Obs révèle les conclusions de l'Inspection générale de la police nationale sur les investigations conduites sur ces mêmes faits. « Bien notés », ils bénéficient de « la confiance de leur hiérarchie » écrit le rapport de l'IGPN, cité par nos confrères. L'un se voit reprocher un tir de LBD, l'autre un tir de GMD, les grenades de désencerclement. Le doute a longtemps plané sur l'origine de la blessure de Jérôme Rodriguez. Les expertises médico-balistiques ont conclu que Jérôme Rodrigues avait été atteint par un palet de grenade GMD. Ce que conteste toujours aujourd'hui le Gilet jaune.

Lors des auditions, l'auteur du tir de LBD indique avoir été formé à l'usage de cette arme en 2016, sans jamais avoir pu s'entraîner jusqu'au tir qui lui est reproché par la justice. Il assure avoir fait usage de son arme ce jour-là en état de « légitime défense », se disant alors encerclé par des manifestants « hostiles ». Une version contredite par des manifestants interrogés par les enquêteurs de l'IGPN. L'un explique ainsi n'avoir « pas compris » pourquoi les policiers avaient fait usage de leurs armes alors que l'atmosphère était encore « calme » sur la place de la Bastille. Il assure avoir crié aux policiers de ne pas viser la tête des manifestants. Le policier qui a fait usage des grenades de désencerclement a lui assuré avoir tiré au sol.

Les images font défaut

L'enquête a été rendue compliquée par le fait que les enquêteurs n'ont pas pu utiliser d'images vidéo, alors que les forces de l'ordre étaient déjà censées se travailler en binôme avec l'un des agents systématiquement équipé d'une caméra. Or, le policier qui était censé filmer aux côtés du tireur de LBD a indiqué ne pas savoir « pour quelle raison aucune image n'avait été enregistrée, émettant l'hypothèse d'un dysfonctionnement de l'appareil ou d'une erreur de manipulation. Il indiquait également qu'il était tombé au moment de l'arrivée place de la Bastille, et que la caméra avait alors pu être détériorée ».

Pour l'IGPN, le tireur de LBD a « manqué au devoir de discernement par une décision ou une action manifestement inadaptées ». Quant au tireur de grenade, ce dernier se voit reproché par la police des polices d'avoir « fait preuve d'un usage disproportionné de la force ou de la contrainte avec une arme ou un moyen de défense intermédiaire suivi de blessures ». Ces conclusions ont donc été prises en compte par la justice.

Dans un direct Facebook, Jérôme Rodriguez est revenu ce mercredi sur cette annonce : « Il a fallu deux ans malgré les preuves et les vidéos pour qu'une part de la vérité puisse être mise au grand jour […] J'espère que cette décision fera date et permettra à l'ensemble des mutilés d'avoir la même justice que moi. »

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13 février 2021 6 13 /02 /février /2021 10:19

 

 
 
 
Mort de Babacar Gueye à Rennes :
le parquet demande le non-lieu
contre le policier qui a tiré
Vendredi 12 février 2021 à 20:28 -
Par Céline Guétaz, France Bleu Armorique, France Bleu
 
C'est une info France Bleu Armorique. Plus de 5 ans après la mort de Babacar Gueye, tué par un policier de la Bac dans le quartier Maurepas à Rennes, le parquet demande un non-lieu contre le fonctionnaire. Il estime qu'il était en état de légitime défense lorsqu'il a tiré sur le jeune sans-papiers.
 

C'est peut-être l'épilogue dans l'affaire Babacar Gueye. Cinq ans après la mort de ce jeune Sénégalais sans-papier tué par un policier dans le quartier Maurepas à Rennes, le procureur de la République de Rennes, Philippe Astruc, indique qu'il requiert un non-lieu dans ce dossier. Il estime que "le policier tireur se trouvait en état de légitime défense." 

Tué par le policier alors qu'il faisait une crise de démence

Dans la nuit du 2 au 3 décembre 2015, Babacar Gueye a été tué par un policier de la brigade anticriminalité de Rennes, alors qu'il faisait une crise de démence chez un ami. À l'arrivée de la police, le jeune homme de 27 ans portait sur lui un couteau avec lequel il se mutilait le ventre. L’enquête, ouverte à la suite du décès, avait conclu à la légitime défense pour le fonctionnaire de police. 

La famille de Babacar conteste la légitime défense 

La famille de Babacar n'a jamais cru à la version de la légitime défense. Elle avait déposé une plainte avec constitution de partie civile, entraînant l’ouverture d’une information judiciaire début 2017. 

Une reconstitution des faits a eu lieu en septembre 2020. Le policier avait été placé sous le statut de témoin assisté. Il a toujours dit qu'il avait agi dans le cadre de la légitime défense. Après les réquisitions du parquet de Rennes transmises ce vendredi 12 février, c'est maintenant au juge chargé de l'instruction de décider dans les prochaines semaines, s'il suit ou pas ces réquisitions.

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9 février 2021 2 09 /02 /février /2021 15:29
 
Procès du patron de la CGT 93, Hervé Ossant :
pas de violences contre le policier
mais un « outrage »

Hervé Ossant comparaissait devant le tribunal pour des violences commises en octobre 2019, lors de la venue du 1er ministre à Bobigny en 2019. Après étude d’une vidéo des faits, le parquet a demandé la requalification des faits en outrage.

Par Nathalie Revenu 
Le 8 février 2021 à 18h04

Leurs versions n'ont pas varié depuis les faits. Hervé Ossant, secrétaire générale de l'union départementale de la CGT, explique qu'il a juste fait tomber le calot du policier qui lui demandait de reculer. Le policier, absent à l'audience, maintient qu'il s'agissait d'une gifle bien sentie. Le bref affrontement a eu lieu le 31 octobre 2019, lors de la venue d'Edouard Philippe et d'une demi-douzaine de membres de son gouvernement en Seine-Saint-Denis. L'affaire était jugée ce lundi après midi devant la 12 e chambre du tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis). En fin de matinée, quelque 150 militants, dont Philippe Martinez, le patron de la CGT sont venus exprimer leur soutien au responsable syndical, sur le parvis du tribunal.

Ce jour d'octobre, alors que le gouvernement présente son « plan pour la Seine-Saint-Denis, Hervé Ossant, 53 ans, manifeste sur le parvis de la préfecture, avec une petite quinzaine de militants. Il est chargé par un cordon de policiers. Les forces de l'ordre demandent aux manifestants de reculer de 5 mètres, certains viennent au contact

« Nous avons bien reculé de 10 mètres comme ils nous l'avaient demandé mais ils ont continué à pousser. Des camarades sont tombés par terre, parmi eux il y avait des retraités. Les policiers voulaient en fait que l'on sorte de là », assure Hervé Ossant.

« Les policiers m'ont dit : on va dire que c'est une gifle »

C'est ce moment qu'intervient l'épisode du calot que le secrétaire général ne conteste pas. « C'était une réaction, c'est la première fois que ça m'arrive », poursuit ce vieil habitué des manifs. « Quand les policiers m'ont amené derrière leur camion, ils m'ont dit : on va dire que c'est une gifle », précise-t-il.

Ça aurait pu être parole contre parole. Mais une vidéo a été tournée par un militant, en l'occurrence Abdel Sadi, élu depuis maire PCF de Bobigny. Elle montre clairement que le couvre-chef du policier vole au milieu de la cohue mais qu'aucune gifle n'est donnée. Le procureur Didier Allard a lui aussi visionné scrupuleusement les images. « Il y a eu une grosse foire d'empoigne et un peu d'échauffourées qui ont nécessité que les policiers repoussent les manifestants. Ces derniers manifestement ne veulent pas reculer. Mais on ne peut pas en déduire qu'il y a eu gifle, estime-t-il. Mais ce jour-là votre geste est allé au-delà de l'attitude que vous auriez dû avoir en tant que représentant syndical ».

Sur la base de cette appréciation, il propose une requalification des violences en outrage et demande une amende 500 € avec sursis. Me Laurence Cambonie, avocate du prévenu, enfonce le clou en estimant que « les policiers ont failli à leur mission. Ils ont chargé de façon brutale. Il y a eu un dérapage, mais du fait de la police ».

L'affaire a été mise en délibéré. Il sera rendu le 22 février prochain.
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8 février 2021 1 08 /02 /février /2021 18:35
 
Adama Traoré : une nouvelle expertise évoque un
« coup de chaleur » et une issue fatale liée à
l’interpellation

Selon un nouveau rapport d’expertise commandé par les magistrats à des médecins belges, « l’immobilisation par contention » pratiquée par les gendarmes pourrait expliquer la mort du jeune homme de 24 ans en juillet 2016.

Par Elsa Vigoureux

Publié le 08 février 2021 à 13h45
 

Les conclusions du dernier rapport d’expertise médicale, commandé à des médecins belges à l’été 2020, sont enfin parvenues aux magistrats chargés de l’instruction du dossier Adama Traoré à Paris. Dans la bataille à laquelle se livrent les experts depuis des années, c’est la première fois que les conclusions d’un rapport commandé par la justice convergent avec celles des experts mandatés par la famille. Rappelons aussi que la dernière expertise qui exonérait les gendarmes a été annulée par la justice. C’est donc celle datée du 19 janvier 2021 qui fait foi aujourd’hui.

Les experts y écartent la possibilité, envisagée lors d’une précédente expertise, que le jeune homme de 24 ans, mort sur le sol de la gendarmerie de Persan (Val-d’Oise) en juillet 2016, ait succombé à la drépanocytose. Maladie dont il était seulement porteur, et qui « n’est que très rarement la cause de complication ». Ils excluent aussi que la « sarcoïdose pulmonaire », qui est une pathologie inflammatoire, ait « pu causer son décès », tout en considérant « plausible » qu’elle ait seulement pu « constituer un facteur aggravant ». Quant à la consommation de cannabis, elle apparaît, selon eux, « soit inexistante, soit anecdotique » dans le processus létal, où elle n’a pas joué de « rôle direct ».

Hyperthermie

A la question de savoir si la « chaleur intense » qui régnait le 19 juillet 2016, avec une température avoisinant les 37 degrés à 16h15, a pu jouer un rôle dans le décès d’Adama Traoré, le rapport de janvier 2021 indique : ce sont des éléments qui doivent être pris en compte « au titre de facteurs déterminants », et « pas uniquement » « favorisants ». L’hyperthermie relevée à hauteur de 39,2 degrés sur le corps du jeune homme « aurait dû faire évoquer d’emblée […] un coup de chaleur à l’exercice », compte tenu de la canicule qui sévissait le jour des faits. Les médecins belges estiment que cette température élevée, constatée post-mortem, peut faire présumer qu’Adama Traoré, encore vivant, avait de la fièvre. Ils affirment, en revanche, que l’état « d’affaiblissement » de la victime relevé à travers les procès-verbaux et « les difficultés respiratoires présentées ainsi que leur persistance » sont « sans proportion avec la longueur de la course-poursuite qu’il vient d’effectuer compte tenu de son jeune âge ».

Ce qui laisse penser qu’un « processus pathologique sérieux est déjà en cours » quand Adama Traoré se plaint aux gendarmes. Pour ce qui concerne « le syndrome asphyxique » constaté aux autopsies et aux examens anatomopathologiques, « seule la notion d’au moins une phase d’immobilisation avec contention […] est susceptible de fournir une piste d’explication ». La « procédure d’immobilisation » suivie par les gendarmes, qualifiée ici de « pas particulièrement agressive, mais pas particulièrement prudente », peut être en lien « avec le développement concomitant d’un syndrome d’asphyxie par contrainte ».

« Asphyxie par contrainte »

Les experts ajoutent : « On peut penser que monsieur Adama Traoré se trouvait – au moment de l’application des manœuvres de contention – dans une situation d’hypoxie sérieuse à laquelle la procédure d’immobilisation pour placement de menottes dans le dos a vraisemblablement contribué. » Ils poursuivent : « La notion d’entrave à la fonction respiratoire ressort de la description des moyens mis en œuvre pour placer les menottes chez un individu affaibli et déjà exposé à des difficultés respiratoires. »

Sur « l’asphyxie positionnelle » diagnostiquée dans un rapport d’expertise datant de mars 2019 et commandé par la famille Traoré, les médecins belges affirment que « les éléments du dossier ne répondent pas aux critères médico-légaux » de la définition. Ils confirment, en revanche, que « l’intervention dans le processus létal d’une période d’asphyxie par contrainte physique ne peut être écartée ». C’est ainsi la première fois que les conclusions des médecins, mandatés par la justice comme par la famille, se recoupent. Plus qu’une « asphyxie positionnelle », les médecins belges expliquent : « Ce qui pourrait être en cause ici est une asphyxie par contrainte, ou asphyxie de contention. » Ils concluent ainsi que « sans l’application de ces manœuvres de contrainte », compte tenu de l’état de faiblesse dont se plaignait la victime, « on peut penser que monsieur Traoré n’aurait pas présenté l’évolution dramatique constatée ensuite ». A savoir, la mort.

Pour résumer, cette dernière expertise belge met en avant le fait qu’Adama Traoré a « développé un coup de chaleur en situation d’activité physique relativement brève mais intense dans des circonstances de stress […] et chaleur atmosphérique ». Mais l’évolution dramatique de ce tableau « n’aurait probablement pas eu lieu sans l’intervention de ces facteurs aggravants », que sont notamment « les manœuvres de contrainte » infligées à la victime par les gendarmes.

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4 février 2021 4 04 /02 /février /2021 21:35

https://www.streetpress.com/sujet/1612268078-insultes-racistes-violences-gratuites-bac-argenteuil-policieres-darmanin-police-justice-amendes

Insultes racistes et violences gratuites, la BAC d’Argenteuil à

nouveau mise en cause

Par Christophe-Cécil Garnier

Été 2019, Ali et sa femme en route pour un barbecue croisent la Bac. Le contrôle tourne mal : violences, insultes et garde à vue. Ali, qui porte plainte, est le 42e témoin mettant en cause auprès de StreetPress la police d’Argenteuil.

Depuis un an et demi, Ali attend des réponses. Des explications sur la violente interpellation qu’il a subie à Argenteuil. L’homme de 34 ans a été insulté, tabassé devant sa femme par quatre policiers en civil et a menacé d’être tasé.

Ali est le 42e témoignage recueilli par StreetPress qui met en cause le comportement des forces de l’ordre dans la ville du 95. Une précédente enquête, détaillait 39 histoires de victimes de multiples passages à tabac, de menaces de mort ou d’insultes racistes. À ces violences, s’ajoutent un harcèlement administratif et des amendes injustifiées par dizaines. Au cours du mois de juillet 2020, nous avons recueilli le récit d’Anthony, qui a pris un coup de LBD à moins de deux mètres dans le dos, et celui de Mohamed, un mineur de 17 ans qui a failli devenir borgne à la suite d’un violent coup de crosse de LBD. Désormais, il y a celui d’Ali, le 30 juin 2019.

Ali gare son 4×4 dans la rue où habitent ses amis. La voiture banalisée l’imite, suivie par une seconde. Quatre hommes sortent. Deux viennent du côté d’Ali, deux de l’autre. Il descend la vitre. Un des agents lui lance directement :

« Pourquoi tu ne t’arrêtes pas, fils de pute ? »

Ali n’a pas le temps de comprendre qu’un des bleus lui aurait envoyé un coup de poing dans les côtes. Encore assis dans sa voiture, il empêche un autre pandore d’ouvrir sa portière. Sa femme commence à filmer. « Je vois que ça va trop loin et je leur dis que j’ouvre la voiture », raconte Ali. Au moment où il déverrouille la portière, les fonctionnaires arrachent le téléphone des mains de sa femme. Lui se fait sortir du véhicule. La suite est un déchaînement de violence :

« On me jette contre ma voiture, on m’assène des coups à la tête, dans le dos. »

Selon le PV de sa plainte à l’IGPN, que StreetPress a pu consulter, Ali prend « trois ou quatre coups-de-poing dans les côtes et l’abdomen » des deux policiers qui le frappent. Le trentenaire certifie qu’à ce moment-là, il ne réplique pas et n’insulte personne. « Au vu de la situation, j’ai tout de suite compris que c’était mort d’avance. J’essaie de crier en espérant que quelqu’un soit témoin. Mais si c’est vraiment la police, qu’est-ce que vous voulez que les gens fassent ? », questionne-t-il. Depuis le début, les agents ne se sont pas présentés. Ils n’ont pas de brassards de police au bras.

Menaces de taser et insultes racistes

Les seules choses qu’on lui dit sont des insultes racistes : « Espèce de sale Arabe. Ferme ta gueule ! Tu vas voir ce que tu vas prendre », détaille Ali. Il est jeté à terre. Quatre fonctionnaires sont sur lui. L’un d’eux a le genou sur son cou. « J’avais du mal à respirer et à bouger. Ils continuaient de me frapper sur le visage et dans le dos », souffle Ali. Un cinquième baqueux lance : « Reculez, je vais le taser ». À ce moment-là, la femme d’Ali s’interpose et proteste. Réponse : « Arrête de me postillonner dessus, lama ! »

Prise de colère, elle l’insulte. Une policière lui passe les menottes pour outrage. Ali, lui, est relevé :

« Je sens que j’ai mal partout, je commence à cracher du sang. »

Il demande ce qu’il a fait. Il ne récolte qu’un : « Ta gueule, on t’emmène au poste. » Il n’a pas le temps de remettre ses claquettes, tombées durant l’altercation. Il embarque pieds nus dans la voiture. Sa femme est dans la deuxième. Durant le trajet au commissariat, il continue de recevoir des coups-de-poing dans les côtes et la tête. Et les insultes racistes pleuvent : « Espèce de bougnoule », « Les gens comme toi, on va les envoyer au bled avec ta négresse de femme, qui devrait fermer sa gueule ». Ils lui promettent de lui « mettre la totale ». On lui annonce qu’il est placé en garde à vue avec sa femme pour outrage et rébellion.

18h de garde à vue pour des infractions routières

En attendant d’être reçu par l’officier de police judiciaire, Ali voit ses tortionnaires rigoler. « Ils se regardent et disent : “Toi t’es assermenté, toi t’es assermenté… Ça va, on ne risque rien.” Ils se sentent intouchables », juge-t-il. Mais la promesse de lui « mettre la totale » s’efface lors de son entrevue avec l’OPJ – où ses agresseurs sont également présents. La pandore lui apprend qu’il n’est finalement pas là pour outrage et rébellion, mais pour trois infractions routières. « Refus de priorité à un véhicule d’intervention urgente usant de signaux spéciaux », « défaut de maîtrise de la vitesse du véhicule » et une absence de clignotant lorsqu’il a tourné. Des faits qu’il conteste tout autant. Sa femme, elle, se voit bien reprocher l’outrage. La vidéo qu’elle avait débutée a été supprimée de son téléphone et elle n’a pu la montrer à l’OPJ.

Pour cela, le couple passe 18h en garde à vue. Arrivés à 15h au commissariat, Ali et sa femme n’en sortent qu’à 9h du matin. Ils sont obligés de commander un Uber pour retourner à leur voiture. « Ces heures en cellule, c’est quelque chose que je ne vais jamais m’enlever de la tête. C’est traumatisant », lâche-t-il.

Durant toute sa garde à vue, on ne l’a pas interrogé sur son état. D’après des photos prises à sa sortie du commissariat, que StreetPress a pu consulter, le trentenaire a pourtant des bleus sur le visage et les genoux. Son t-shirt est déchiré dans le dos.

Entorse cervicale et mâchoire endommagée

Deux heures après sa sortie du commissariat, Ali est aux urgences de Nanterre pour faire constater ses blessures. Le médecin qui l’ausculte note un traumatisme crânio-facial ainsi que de nombreuses contusions sur son crâne, visage, thorax et sur les membres supérieurs. Il observe également une « entorse de la nuque ». « J’avais du mal à tourner la tête à cause de la pression du genou sur mon cou », pointe Ali. Pour le doc’, ces blessures nécessitent cinq jours d’arrêt de travail et dix jours d’arrêt de sport.

Sa mâchoire est également scrutée par les toubibs. « Ils ont fait des radios pour voir si elle n’était pas cassée », se souvient-il. Face aux résultats, un chirurgien-dentiste préconise au blessé une « alimentation semi-liquide » durant une semaine.

Refus de plainte

Le 2 juillet 2019, Ali est dans les locaux parisiens de l’IGPN avec sa femme. Cette dernière se voit refuser sa plainte. « Selon les policiers, elle n’était pas une victime physique », précise son mari. Elle dépose tout de même une main courante. Ali, lui, porte plainte pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique » et « injures non-publiques ». On lui propose aussi d’être auditionné par l’institut médico-judiciaire (UMJ), pour avoir une interruption totale de travail (ITT), utile pour sa plainte. Lorsque sa convocation tombe, il s’étrangle : l’examen est prévu pour le 18 juillet. Soit 19 jours après les faits. « Toutes les séquelles physiques visuelles ont eu le temps de disparaître ! », tonne Ali.

Le jour J, la toubib lui demande s’il est là « pour des violences policières ». Il répond par l’affirmative et dit qu’il a encore « des douleurs au dos et un genou enflammé ». « Elle me regarde et me dit : “Je suis comme Saint-Thomas, je ne crois que ce que je vois”. En fait, mon cauchemar a continué », lâche aujourd’hui Ali. Il lui demande ce qu’elle en pense « en terme d’ITT » :

« Elle me dit : “Je ne sais pas. J’hésite entre zéro et une journée”. Ce n’est pas si grave de se faire tabasser finalement ! »

Il n’obtient qu’une journée d’ITT

Des amendes caniveaux

Ses problèmes ne s’arrêtent pas là. En octobre 2019, Ali reçoit des majorations d’amendes pour les infractions routières qu’on lui avait signifiées lors de sa garde à vue. Sauf qu’il n’a jamais reçu les amendes avant la majoration. Il s’agit de « PV caniveaux ». Les policiers détruisent la partie destinée au contrevenant, qui ne sait pas qu’il doit payer quelque chose avant que ce soit majoré. Une pratique courante à Argenteuil. Dans son enquête sur la police en juillet 2020, StreetPress avait rencontré des dizaines d’habitants qui en avaient fait les frais. Pour cette histoire, Ali a dû payer 825 euros et a perdu trois points. « J’ai contesté avec les plaintes, le certificat médical… Je n’ai jamais eu de réponses », souffle-t-il.

Il n’a pas plus d’échos de sa plainte et des avancées de l’enquête. Contacté, le service d’information et communication de la police nationale (Sicop) confirme que les policiers n’ont finalement pas porté plainte contre Ali ou sa femme pour outrage et rébellion. Le Sicop explique que le dossier a été traité par « la cellule discipline et déontologie de la DDSP 95 » et non par l’IGPN – en décembre 2019, Ali avait dû refaire sa plainte au commissariat d’Argenteuil. « Selon le niveau, l’IGPN ne se saisit pas toujours pour ce type d’affaire et transmet aux cellules de déontologie des DDSP. La cellule du 95 est plutôt très active », précise un bleu.

Le dossier a été transmis au parquet de Pontoise le 16 novembre 2020, un an et demi après les faits, pour « appréciations ». Malheureusement, le Sicop n’avait pas d’éléments pour dire si les policiers avaient été entendus ou ce qu’ils pouvaient risquer. Du côté des magistrats, on confirme qu’une enquête est en cours. Ali et sa femme, eux, sont dans le flou et n’ont eu aucune nouvelle. Encore aujourd’hui, Ali continue d’en faire des cauchemars.

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 12:34
 
Le rapport parlementaire qui veut mettre les militants
écologistes en prison
28 janvier 2021 / Marie Astier et Gaspard d’Allens (Reporterre)
 

Une mission d’information parlementaire pilotée par Les Républicains et La République en marche demande de « renforcer l’arsenal pénal » contre « les militants antiglyphosate, véganes ou antichasse ». Les propositions pourraient être inscrites dans la loi, une perspective qui inquiète fortement les militants écologistes ou antispécistes.

Le tempo est plutôt mal choisi, la concordance des temps frappante. Alors que l’Assemblée nationale examine en ce moment la proposition de loi sur le bien-être animal, les députés ont voté en commission un rapport issu d’une mission d’information parlementaire sur « l’entrave aux activités légales ». En creux, certains députés veulent « renforcer l’arsenal pénal » contre « les militants antiglyphosate, véganes ou antichasse ». Ils proposent la création de nouveaux délits pour lutter plus efficacement contre la diffusion d’images sur les réseaux sociaux et pour limiter l’intrusion dans les abattoirs ou les fermes usines.

Reporterre publie ce document qui a reçu l’aval de la majorité La République en marche (LREM). Un an après la création de la cellule Déméter, une nouvelle étape est franchie dans la répression et la criminalisation du mouvement écologiste.

Le rapport a été adopté mardi 26 janvier en fin d’après-midi par les commissions du Développement durable, des Affaires économiques et des Lois. Présidée par le député Les Républicains Xavier Breton, la mission parlementaire compte également deux rapporteurs, Martine Leguille-Balloy et Alain Perea, tous deux affiliés à La République en marche. Ce travail est le fruit d’une promesse faite en juin 2019 par Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, alors députée, aux sénateurs. Dans le cadre du projet de loi créant l’Office français de la biodiversité (OFB), le Sénat avait souhaité créer un délit d’entrave aux activités de la chasse. L’idée n’avait finalement pas été retenue mais les présidentes des commission des Lois et du Développement durable, Mmes Yaël Braun-Pivet et Barbara Pompili, s’étaient engagées à lancer une mission d’information sur le sujet.

Un an et demi plus tard, nous y voilà. Et contrairement à l’adage, le temps n’a pas assagi les parlementaires. Dès les premières pages, les auteurs du texte s’en prennent violemment aux écologistes et à leurs actions qui « stigmatisent des activités légales » comme « les OGM, la corrida, l’utilisation de glyphosate et autres produits phytosanitaires, les activités cynégétiques ou la consommation de protéines d’origine animale ». Les auteurs précisent que « les avancées démocratiques ne peuvent pas se faire en imposant des idéologies par la voie d’exactions, d’attaques, de menaces ou encore de pressions sur des activités légales ».

Un rapport qui cible nommément plusieurs associations comme L214

D’après eux, ces dernières années, le nombre d’entraves à la chasse et à l’élevage industriel a explosé. Or « la réponse pénale apportée est trop faible », jugent-ils, regrettant que peu de plaintes soient déposées puis instruites. Le droit existant n’est pas adapté, estiment-ils.

L’état des lieux qu’ils dressent est volontairement dramatique, nourri par les plaintes des professionnels et des chasseurs, nombreux à avoir été auditionnés, contre seulement une association anti-chasse, AVA (Abolissons la vénerie aujourd’hui). « Greenpeace, France Nature Environnement et le WWF ont refusé les sollicitations de la représentation nationale », rappellent les députés en introduction, sans évoquer pour autant les raisons de leur boycott. Les rapporteurs déplorent « une radicalisation des actions » menées par des « militants de plus en plus urbains », « engagés dans une multitude de causes, notamment féministe, antinucléaire ou antipolice ». « On y retrouve également des black blocs », alertent-ils, très sérieusement.

Le rapport recense pêle-mêle les tentatives d’intrusions au sein d’exploitations agricoles et des faits divers, comme l’altercation entre « un jeune chasseur et trois militants radicaux qui l’auraient mordu à la main ». Il cite autant la multiplication des sit-in devant les abattoirs que « les échanges verbaux vifs » entre agriculteurs et écologistes, les tags sur les cabanes de chasseurs ou les bris de vitrines dont seraient victimes des boucheries. La question des réseaux sociaux est au cœur du rapport. Pour les auteurs, « les réseaux sociaux constituent en soi un moyen d’entrave » : ils « inspirent » et « amplifient les conséquences des actions ».

Le document cible nommément plusieurs associations : L214, Direct Action Everywhere, 269 Libération animale, Abolissons la vénerie aujourd’hui. « Bien organisées, avec une puissance d’influence importante, préméditant leurs actions et ayant une bonne connaissance de leurs droits, ces associations ont une capacité à exploiter les failles de la législation », notent-ils.

Le rapporteur de la mission voulait interdire le VTT en période de chasse

Les députés font plusieurs recommandations : ils veulent d’abord créer un délit d’entrave à la chasse, passible de 6 mois d’emprisonnement et de 5.000 euros d’amende. Ils proposent aussi d’introduire dans le code pénal un délit punissant d’un an d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende l’intrusion sur un site industriel, artisanal, agricole ou de loisirs, qui aurait pour but de « troubler la tranquillité ou le déroulement normal de l’activité ».

Les rapporteurs souhaitent élargir le champ législatif des discriminations pour ajouter l’activité professionnelle ou de loisirs. Ils recommandent aussi de punir d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende toute diffamation publique commise à l’encontre d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur activité professionnelle ou de loisir, et donc l’agriculture ou la chasse.

Plusieurs mesures apparaissent comme une réponse directe aux demandes du principal syndicat agricole, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles). Il y a à peine plus d’un an, la présidente du syndicat, Christiane Lambert, avait demandé à la ministre de la Justice de l’époque, Nicole Belloubet, la création d’un délit spécifique aux intrusions dans les élevages, comme Reporterre l’avait signalé. La même avait aussi demandé, dès 2018, une commission d’enquête parlementaire sur les militants antispécistes. Vœu quasi exaucé avec cette mission d’information.

Elle a pu compter sur les trois parlementaires qui portent ce rapport. Le président, est le député de l’Ain Les Républicains Xavier Breton. C’est dans son département qu’a eu lieu l’incendie d’un abattoir pour lequel des antispécistes ont été incriminés. Le rapport omet de préciser que ces derniers nient les faits. En ce qui concerne les rapporteurs, Alain Perea, député LREM de l’Aude, est coprésident du groupe chasse, pêche et territoires à l’Assemblée nationale. Quand un vététiste avait été tué par un chasseur, il avait proposé d’interdire… le VTT pendant la période de chasse. La rapporteuse, Martine Leguille-Balloy, a été avocate dans l’agroalimentaire et avait déjà proposé une commission d’enquête sur l’agribashing.

Plus généralement, le rapport reprend exactement les mêmes arguments que ceux qui ont présidé à la création de la cellule de renseignement de la gendarmerie Déméter, en décembre 2019. La cible est la même, à savoir les contestataires du modèle agricole dominant, élargie aux anti-chasse. Les acteurs identiques : Déméter a été mise en place via un partenariat inédit entre seulement deux des syndicats agricoles — la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs — et la gendarmerie. Pour le justifier, la gendarmerie avançait que plus de 14.000 « atteintes au monde agricole » avaient été recensées en 2019. Mais la majorité étaient des vols et cambriolages. L214 avait pu calculer que seul 0,28 % était des actes antispécistes.

« On est dans la même logique que la loi Sécurité globale »

Pour ces députés, le phénomène est au contraire massif. « Nous sommes, avec Alain Perea, tous les deux du milieu rural et nous avons été surpris par ce que nous avons découvert », insiste Mme Leguille-Balloy, jointe par Reporterre. « Toute idéologie mérite d’être défendue, mais pas dans la violence. Nous devons concilier l’expression de ces idées et l’arrêt de la violence. » « Perturber la chasse est devenue la marotte de certains. Ils sont inconscients, il va y avoir des morts », avertit M. Perea.

Pas de quoi rassurer la sphère associative. « Il y a un risque de glissement. La contestation du système agricole dominant pourrait finir par être considérée comme du dénigrement », craint François Veillerette, de l’association Générations futures. « Je prends cela très au sérieux, car ils veulent criminaliser une critique sociale, politique, écologique, indique Fabrice Nicolino, président de l’association Nous voulons des coquelicots. Ce qui les embête, c’est que la société se révolte contre l’agriculture industrielle. Ils sentent le sol se dérober sous leurs pieds. »

« Il y a un refus d’entendre la société civile, poursuit la députée Génération Écologie Delphine Batho. Le fait de considérer comme délictuelles des activités qui concourent de façon normale et non violente à la vie démocratique est extrêmement choquant. On est dans la même logique que la loi Sécurité globale appliquée au domaine agricole. »

Autant de réticences balayées par les rapporteurs, qui appellent à des mesures urgentes. Pour aller vite, ils étudient deux solutions. Soit reprendre une proposition de loi sur le même sujet, déjà adoptée par le Sénat, et la renforcer avec les propositions du rapport. Soit introduire les dispositions via des amendements dans une autre loi passant bientôt en discussion. « On est en fin de législature, le risque est que ça ne débouche pas, peut-être vaudrait-il mieux appliquer de ce qui existe déjà dans le droit », nuance le député breton Paul Molac, membre de la mission. Le message a été, en tout cas, passé aux chasseurs et à la FNSEA : à un peu plus d’un an de la présidentielle, LREM reste à leur écoute.

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29 janvier 2021 5 29 /01 /janvier /2021 12:31
Contrôles au faciès : des ONG lancent une action de
groupe contre l’Etat
Par Ismaël Halissat
27 janvier 2021 à 06:49
 

Dans une procédure inédite, six associations mettent en demeure les autorités de faire enfin cesser ces pratiques discriminatoires des forces de police déjà sanctionnées à plusieurs reprises par les tribunaux.

Une procédure inédite pour faire cesser, enfin, les contrôles d'identité discriminatoires. Ce mercredi, six ONG lancent une action de groupe contre l’Etat. Trois d’entre elles sont d’envergure internationale : Amnesty International, Human Rights Watch et le réseau Open Society Foundations. Les trois autres sont des associations de quartier : Reaji (pour Réseau égalité antidiscrimination justice interdisciplinaire), installé à Villeurbanne, dans la banlieue lyonnaise, et deux structures parisiennes, Pazapas et la Maison communautaire pour un développement solidaire. «Un contrôle d’identité au faciès est un contrôle opéré à raison des caractéristiques physiques de la personne liées à son origine, qu’elle soit réelle ou supposée, exposent les six ONG dans leur communiqué commun. De tels contrôles reposent sur un motif illicite. Ils sont donc discriminatoires. C’est pour que cesse cette pratique que cette initiative est lancée.»

En France, la procédure bien particulière de l’action de groupe, notamment inspirée de la class-action américaine, a été introduite dans la loi en 2016. Elle commence par une mise en demeure, par laquelle les associations somment l’Etat d’adopter certaines mesures – en l’occurrence, de faire cesser les contrôles au faciès. L’action de groupe a l’avantage de permettre un traitement unifié face à un préjudice qui touche de nombreuses personnes, et de faciliter le recueil des éléments de preuve sur la réalité des discriminations. Mais cette procédure a aussi pour but d’aider les différentes parties à trouver une solution amiable au litige. Les autorités ont désormais quatre mois pour répondre, entamer une discussion et éventuellement mettre en place une médiation. A l’issue de ce délai, sans réponse favorable, les ONG pourront saisir la justice pour enjoindre l’Etat à agir.

«Ce qui est mis en cause, c’est la politique publique»

«Les contrôles au faciès constituent une discrimination systémique, ancrée dans la pratique policière, inscrite dans le système policier, mais il n’y a pas dans cette expression une accusation individuelle : ce qui est mis en cause, c’est la politique publique», explique à Libération le professeur de droit et avocat Antoine Lyon-Caen. Compagnon de route de l’ancien ministre de la Justice Robert Badinter, il porte cette action de groupe avec les avocat Slim Ben Achour et Alexandra Denis, pour mettre un terme à cette «pratique stigmatisante, humiliante et dégradante». «C’est grâce à des class-actions que des polices américaines se sont réformées et ont cessé les contrôles massifs, comme à New York en 2013», rappelle de son côté MBen Achour. Si la mise en demeure qu’ils ont rédigée comprend bien des témoignages de victimes de contrôles au faciès dans une dizaine de villes de France, il ne s'agit pas de reparer leur préjudice personnel mais de faire évoluer les pratiques policières. «L’action individuelle permet une indemnisation mais n’est pas transformatrice contrairement à l'action de groupe», poursuit Antoine Lyon-Caen.

Les associations peuvent aussi s’appuyer sur une connaissance scientifique déjà bien établie des pratiques discriminatoires des forces de police. En 2009, dans le cadre d’une étude menée sous l’égide du CNRS et de l’Open Society Justice Initiative, les sociologues Fabien Jobard et René Lévy avaient ainsi observé les pratiques policières dans deux lieux parisiens, la gare du Nord et le quartier des Halles. Ils en avaient conclu que les personnes perçues comme arabes ou noires étaient largement «surreprésentées» parmi les personnes visées par les contrôles d’identité. En 2010, l’Institut national d’études démographiques (Ined) était parvenu au même constat à l’issue d’une vaste enquête par questionnaire sur les discriminations. D’autres ont suivi. En 2017, le diagnostic est cette fois venu du Défenseur des droits : dans un rapport publié cette année-là, l’autorité administrative indépendante estime que les jeunes hommes perçus comme arabes ou noirs ont «une probabilité vingt fois plus élevée que les autres» d’être contrôlés par la police.

Le récépissé, une promesse non tenue

En 2012, le président socialiste François Hollande avait pourtant été élu en portant, notamment, la promesse de mettre fin à cette pratique en rendant obligatoire la délivrance d’un récépissé à chaque contrôle d’identité. Un engagement qui aurait pu permettre aux victimes de prouver plus facilement les discriminations qu’elles subissent, mais qui n’a pas été tenu. Dans le même temps, le déni de l’Etat s’est même exprimé officiellement à l’occasion de plusieurs procédures judiciaires. En 2013, treize plaignants, défendus par les avocats Slim Ben Achour et Félix de Belloy, avaient attaqué les autorités pour faire reconnaître leur préjudice né de ces contrôles à répétition. D’abord déboutés en première instance, cinq d’entre eux avaient obtenu satisfaction en mars 2015 devant la cour d’appel de Paris. «L’Etat répondait de façon totalement contraire aux textes, en justifiant les contrôles de Noirs et d’Arabes au motif que les policiers sont chargés de la lutte contre l’immigration clandestine», rappelle Me Ben Achour.

L’Etat avait alors été condamné pour «faute lourde» et s’était pourvu en cassation. Le 9 novembre 2016, dans une décision historique, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire a confirmé l’arrêt de la cour d’appel : un contrôle d’identité qui a pour seule base des caractéristiques physiques liées à une origine réelle ou supposée constitue bien une discrimination. Après ces procédures individuelles, c’est donc «maintenant l’étape de trouver des solutions, voire de les imposer», affirme MBen Achour. Car depuis, rien n’a été entrepris par les autorités pour modifier les pratiques policières. ll n’existe même à ce jour aucune donnée sur le nombre de contrôles d’identité réalisés chaque année par les forces de l’ordre.

Une plateforme de recueil de témoignages

La posture de déni a été entretenue par le gouvernement actuel jusqu’à la fin de l’année 2020. Avant une première reconnaissance du problème au plus haut sommet de l’Etat : «C’est vrai qu’aujourd’hui, quand on a une couleur de peau qui n’est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé. On est identifié comme un facteur de risque, de problème, et c’est insoutenable», avait admis Emmanuel Macron, interviewé par Brut le 4 décembre, quelques jours après la diffusion d’images du passage à tabac du producteur de musique noir Michel Zecler et de l’évacuation violente de réfugiés qui s’étaient installés place de la République à Paris. Mais là non plus, pas de grande révolution des pratiques policières : le président de la République a simplement annoncé la création d’une plateforme de recueil de témoignages de discrimination.

Dans leur mise en demeure, adressée ce mercredi au Premier ministre ainsi qu’aux ministres de l’Intérieur et de la Justice, les six ONG demandent notamment aux autorités de modifier le code de procédure pénale «pour interdire explicitement la discrimination dans les contrôles d’identité», et de «circonscrire les pouvoirs de la police afin que les contrôles ne puissent être fondés que sur un soupçon objectif et individualisé». Elles réclament la création d’un «système d’enregistrement et d’évaluation des données relatives aux contrôles d’identité, et de mise à disposition de toute personne contrôlée d’une preuve de contrôle», ainsi que la mise en place d’un «mécanisme de plainte efficace et indépendant».

Cette action de groupe intervient aussi à quelques jours du lancement du «Beauvau de la sécurité», qui débutera le 1er février. Les six associations disent justement craindre «que les annonces du président français et le "Beauvau de la sécurité" ne débouchent une nouvelle fois que sur des mesures superficielles insuffisantes». Ces ONG n’ont pour l’instant pas été conviées à cet événement organisé par le ministère de l’Intérieur pour répondre aux nombreuses critiques sur la place de la police en France. Par cette action de groupe contre les contrôles discriminatoires elles pourront, a minima, s’inviter dans les débats.

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23 janvier 2021 6 23 /01 /janvier /2021 19:16
 
Sanctions dans la police : les chiffres d’une impunité
croissante
Par Ismaël Halissat et Fabien Leboucq
21 janvier 2021 à 20:36

«Libération» révèle des données internes de la police qui dressent un panorama accablant des mesures disciplinaires entre 2009 et 2018. En dix ans, celles réprimant les violences ont été divisées par près de trois.

Comment le ministère de l’Intérieur fait-il usage de son pouvoir de sanction administrative en cas de manquement au code de déontologie ? Autrement dit : comment la police contrôle-t-elle ses agents ? Cette question fait partie des huit chantiers du «Beauvau de la sécurité», lancés par les autorités après la multiplication d’affaires de violences policières et de racisme dans les rangs des forces de l’ordre. Avant même le début des débats prévu dans quelques jours, la problématique du contrôle interne des agents a pourtant déjà été circonscrite par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. L’idée d’une inspection indépendante et aux pouvoirs étendus, défendue de longue date par de nombreuses associations et plusieurs chercheurs de renom, a notamment été balayée.

Il s’agit pourtant d’un critère fondamental au bon fonctionnement de la police dans les démocraties, selon les recommandations de plusieurs organisations internationales. Pour fermer le débat, Gérald Darmanin sort un argument, déjà ressassé par ses prédécesseurs : alors que les constats d’impunité des agents se multiplient, la police nationale compte plus de la moitié des sanctions de l’ensemble de la fonction publique. Une antienne censée démontrer la fermeté des autorités face aux policiers, notamment ceux accusés de violences ou de racisme. Mais en cette matière, comme dans bien d’autres, le ministère de l’Intérieur fait preuve d’opacité. S’il est vrai que les policiers sont plus sanctionnés que les autres fonctionnaires, la réalité s’avère bien plus complexe lorsque l’on observe les sanctions prononcées pour des faits qui trouvent leur source dans des interactions entre la police et la population.

Les données de dix années de sanctions dans la police, que révèle Libération, permettent de dresser un état des lieux bien différent de la défense développée par les ministres de l’Intérieur successifs et la plupart des responsables syndicaux. Depuis 2009, les policiers sont en réalité de moins en moins sanctionnés. Déjà largement minoritaires, les décisions administratives réprimant les manquements pour des faits de violences ont pratiquement été divisées par trois en dix ans. Sur la même période, les sanctions pour discrimination sont, elles, quasi inexistantes. Des calculs qui prennent en compte les variations d’effectifs de la police nationale.

Services de déontologie
Si le débat relatif au contrôle de la police a souvent tourné autour du rôle de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), c’est ici la responsabilité directe du pouvoir politique. L’IGPN est seulement chargée de mener une minorité des enquêtes administratives et ne peut, in fine, que proposer une mesure disciplinaire. La grande majorité des procédures disciplinaires sont instruites par la hiérarchie ou les services de déontologie internes aux directions départementales. Interviennent ensuite le conseil de discipline, et surtout le ministre de l’Intérieur, à qui incombe le pouvoir de prononcer les mesures disciplinaires, qui vont du simple avertissement à l’exclusion.

 

Ces chiffres, relatifs à dix ans de sanctions dans la police, proviennent des bilans sociaux réalisés tous les ans depuis 2009 par la «direction des ressources et des compétences». Des documents internes que le ministère de l’Intérieur refuse de communiquer. Libération rend ces données accessibles en les publiant sur la plateforme publique Data.gouv.fr. On y trouve le nombre de sanctions, leurs motifs et leurs gravités, prononcées chaque année contre des agents. Un constat saute aux yeux lorsque l’on passe au crible les manquements pour lesquels les policiers sont les plus sanctionnés : ils concernent quasi intégralement les règles de fonctionnement interne de l’institution, qui recoupent le défaut d’obéissance et l’indiscipline. De 2009 à 2013, les données internes de la police différencient les «atteintes aux mœurs», les «manquements à la probité», les «violences», les «comportements privés critiquables», les «intempérances», et les «fautes professionnelles et indisciplines». Ces dernières représentent, à elles seules, environ 80 % des sanctions prononcées chaque année.

 

De 2014 à 2017, les intitulés des motifs de sanctions changent, mais celles-ci visent toujours les mêmes types de manquements : ceux «aux sujétions de service», «au devoir de loyauté», «à l’autorité hiérarchique» et «aux règles d’usage des matériels en dotation». Ils représentent chaque année environ 75 % du total des sanctions. En 2018, les dénominations des catégories de sanctions évoluent de nouveau, mais le constat reste le même : les «négligences professionnelles» et les «manquements au devoir d’obéissance» sont à l’origine de 70 % des sanctions. A l’inverse, les sanctions pour des manquements déontologiques dans les rapports qu’entretiennent les agents avec la population sont largement minoritaires. Sur l’ensemble de la période, les violences ne représentent, elles, que le motif de 4,4 % des sanctions en moyenne chaque année. Une part très faible, qui l’est encore plus en 2018 : 2,5 % des sanctions sont prononcées pour ce motif cette année-là.

 

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22 janvier 2021 5 22 /01 /janvier /2021 10:02
 
En Guadeloupe, le décès d’un homme après un
contrôle de gendarmerie suscite l’incompréhension
22 janvier 2021 Par Marion Briswalter

Le 21 novembre, un Guadeloupéen de 67 ans a été admis en « détresse respiratoire » et état de « tétraplégie » aux urgences de Pointe-à-Pitre après un « contrôle routier » opéré par deux gendarmes. L’homme est aujourd'hui décédé. Une enquête judiciaire est ouverte « contre X » pour « homicide involontaire ».

Une tension glaçante baigne la commune de Deshaies depuis le 21 novembre 2020, date à laquelle Claude Jean-Pierre, ancien maçon de 67 ans, a été contrôlé par deux gendarmes. Quelques minutes après l’interpellation, il est envoyé en urgence au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre en « détresse respiratoire » et état de « tétraplégie » selon sa famille et leurs avocats. Le jeune retraité décédera douze jours plus tard, le 3 décembre. Fait rare, l’intervention des deux militaires auprès de l’homme alors qu’il était au volant de sa voiture et venait de se garer à leur demande a été filmée de manière fortuite par une caméra de vidéosurveillance de la mairie de Deshaies. Selon le gendre du défunt, Christophe Sinnan-Ragava, qui a eu accès à l’enregistrement de la scène mais que Mediapart n’a pas pu regarder, Claude Jean-Pierre a été extrait avec « violence » de son véhicule par les « deux gendarmes », auteurs du « contrôle routier ».

Claude Jean-Pierre est mort à 67 ans. © DR

Selon le récit qu’il dresse à Mediapart des images qu’il a visionnées, les agents donnent l’impression de parler de manière apaisée avec l’homme, puis « un agent fait deux fois le tour du véhicule et met son bras à l’avant, côté passager, comme pour récupérer les clés de la voiture. Alors que l’un discute avec mon beau-père, l’autre va chercher un gilet pare-balles », puis « les gendarmes sont entrés tous les deux dans l’habitacle du véhicule. On ne voit pas bien ce qui se passe dedans, mais on voit la voiture qui bouge comme sous un choc, et on voit que mon beau-père est extrait mais vraiment violemment du véhicule. Dès qu’il est sorti de la voiture, il est complètement inerte, il a les bras et les jambes qui pendouillent comme quelqu’un de mort. Ça a été très rapide et très violent. […] Il n’y a pas trop de place au doute ».

Sur la vidéo, « mon père apparaît comme très coopérant » estime Fatia Alcabelard, qui dit n’avoir pas été capable émotionnellement de regarder les images dans leur ensemble.

Dans un communiqué de presse du 19 janvier, un « collectif » de six avocats qui représente la famille a aussi dénoncé un « choc de la tête de la victime sur la portière et une chute au sol dans la réalisation de l’extraction ».

Lundi 18 janvier, le nouveau procureur de Basse-Terre, Xavier Sicot, qui prend l’affaire en route, a donné une conférence de presse. À Mediapart, il a déclaré au contraire que les images ne montreraient « pas d’action de violence volontaire des gendarmes. Les éléments ne permettent absolument pas d’aller dans cette voie-là. C’est une évidence ». Deux visions d’une même scène sont ici en train de se heurter de manière étonnante. Selon le procureur, « on invite M. Jean-Pierre à sortir de son véhicule. On le prend au niveau du bras, mais on ne rentre pas dans le véhicule ». Le procureur ajoute néanmoins que « la vidéo est ce qu’elle est, elle sera peut-être étudiée plus précisément par captures d’écran ».

Xavier Sicot poursuit : « Manifestement, M. Jean-Pierre présentait des signes d’alcoolisation. Les gendarmes veulent le mettre en sécurisation. Cette personne est récalcitrante et ils font en sorte de la sortir de son véhicule. » « Une personne récalcitrante n’est pas facile à sortir de son véhicule. […] Gendarme n’est pas un métier facile », croit nécessaire d’ajouter, le procureur.

Une enquête judiciaire a été ouverte le 10 décembre par le parquet de Basse-Terre « contre X » pour « homicide involontaire ». L’enquête est confiée à une juge d’instruction. Une commission rogatoire est en cours, confiée à la brigade de recherche de Pointe-à-Pitre. Les gendarmes n’ont pas encore été entendus.

Le 21 novembre était un samedi. Ce jour-là, après le déjeuner, une nièce de Claude Jean-Pierre est appelée en urgence par les pompiers intervenus sur les lieux du « contrôle routier ». D’après son témoignage que nous avons recueilli, les pompiers lui disent que son oncle vient d’être pris d’un « malaise ». Ils la pressent de venir au plus vite.

Avec 4 000 habitants, Deshaies est un petit bourg et tout le monde se connaît. La nièce déboule sur place : « Mon oncle était étendu à terre sous le soleil, sur le goudron [à 14 heures – ndlr], ça chauffait et c’est moi en arrivant qui ai dit : “Mais enfin il faut le protéger”, alors je suis allée chercher un parapluie pour l’abriter », raconte la femme de 31 ans. « Il avait les yeux ouverts, il ne parlait plus, ne bougeait plus […] j’ai remarqué qu’il avait un hématome en haut du nez. Je l’ai fait remarquer à un gendarme qui m’a répondu :“Non non, ce n’est rien, il va se remettre debout, il a eu un coup de stress parce qu’il nous a vus”. L’un d’eux insistait en disant que mon oncle puait l’alcool, il était très méprisant, même un peu agressif », poursuit la femme.

Selon les propos de cette nièce, Claude Jean-Pierre, diabétique, aurait alors perdu connaissance à deux reprises, sur la chaussée, avant l’arrivée des services mobiles d’urgence. Contactée, la gendarmerie de Deshaies n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Après avoir été admis en réanimation au CHU en « détresse respiratoire » et présentant des « hématomes », une « luxation cervicale » et un état de « tétraplégie », selon les déclarations de la partie civile, Claude Jean-Pierre est placé en « coma artificiel » et intubé. Il décédera le 3 décembre et sera enterré neuf jours plus tard.

Un rapport d’expertise médicale complémentaire à l’autopsie qui a conclu à un décès par syndrome de « défaillance multiviscérale » est réclamé par les avocats, explique Me Maritza Bernier.

« La population est en colère, elle se pose beaucoup de questions », témoigne la nièce de Claude Jean-Pierre. Cet état d’esprit incarne la forte agitation qui tend la commune, et par-delà, une grande partie des Guadeloupéens. Fin novembre, face à ce qui leur semblait être une enquête conduite de façon douteuse et peu dynamique par le parquet de Basse-Terre, seize organisations syndicales, politiques et associatives avaient convergé en un « comité de soutien » (« Kolektif Gwadloup kont violans a jandam ») réclamant « justice » et « transparence ».

« Entre la Guadeloupe et la gendarmerie, c’est une histoire de sang. C’est intrinsèquement lié à notre histoire coloniale, […] on a une certaine suspicion face aux agissements de la police et de la gendarmerie », commente Jean-Jacob Bicep, ancien député européen et membre du Kolektif.

Si Xavier Sicot a pris la parole devant les médias ce lundi, on comprend que c’est pour tenter de contenir le feu qui couve. « La justice fait son travail. La famille a accès au dossier. Le travail va se faire, il faut laisser du temps au juge d’instruction. Il y a eu une autopsie mais on demandera probablement d’autres investigations derrière », assure-t-il à Mediapart.

Saisie par la famille le 14 décembre, l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) a répondu – dans un courrier que nous avons consulté – qu’elle n’interviendrait pas de son propre chef mais « exclusivement sur réquisitions des magistrats compétents ». En parallèle d’une enquête pénale, une enquête administrative – pouvant déboucher sur des sanctions disciplinaires – aurait cependant pu être ouverte par l’IGGN.

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