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19 février 2024 1 19 /02 /février /2024 20:39
Affaire Théo : les trois policiers
condamnés à des peines avec sursis

La cour d’assises de Seine-Saint-Denis a estimé que Marc-Antoine C., Jérémie D. et Tony H. s’étaient rendus coupables de violences illégitimes, mais a écarté la qualification criminelle. Un verdict qui semble satisfaire les deux camps.

Camille Polloni 19 janvier 2024 à 22h05

 
Quand Marc-Antoine C. revient à sa place pour entendre le verdict de la cour d’assises vendredi 19 janvier en fin de journée, après neuf heures de délibéré, son avocat Thibault de Montbrial l’attrape par l’arrière de la nuque et frotte brièvement sa tête contre la sienne. Devant la salle s’est massée une foule plus tendue que les jours précédents, mêlant des policiers en civil, dont des responsables syndicaux, et des soutiens de la famille de Théodore Luhaka. 

La présidente, Caroline Jadis-Pomeau, ne s’éternise pas. Elle lit rapidement les réponses à la vingtaine de questions posées aux jurés. Les trois policiers sont condamnés pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique, en réunion et avec arme ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours sur Théodore Luhaka, dit Théo. La cour les déclare coupables mais écarte la qualification criminelle des faits. 

Marc-Antoine C., 34 ans, écope d’un an de prison avec sursis et cinq ans d’interdiction d’exercer son métier sur la voie publique ainsi que de porter une arme. Jérémie D., 43 ans, et Tony H., 31 ans, sont condamnés à trois mois de prison avec sursis et deux ans d’interdiction de voie publique et de port d’arme. Pour les trois, la cour retient « la nécessité de [les] éloigner de [leurs] fonctions sur le terrain » pendant un temps, « compte tenu de la nature des faits »

 

À la sortie de la salle, les membres de collectifs contre les violences policières, parmi lesquels Amal Bentounsi, Fatima Chouviat, Samia El Khalfaoui ou encore Amalia, dont le compagnon a été tué par un policier à Sevran en 2022, réclament « du ferme pour la police » et manifestent contre des condamnations trop rares.

Pour sa part, Antoine Vey, l’avocat de Théodore Luhaka, salue une « décision d’apaisement et de victoire », tandis que son adversaire Thibault de Montbrial évoque « l’immense soulagement » de son client, dont la cour a conclu qu’il « n’est pas un criminel ». Marc-Antoine C. risquait jusqu’à quinze ans de réclusion et l’avocat général avait requis une peine de trois ans de prison avec sursis à son égard. 

Cette décision convient aux deux parties. Les policiers écopent de peines relativement légères, en dessous des réquisitions, qui ne devraient pas entraver davantage leur carrière. Pour ce qui est de la victime, qui espérait simplement que les policiers soient « punis », le coup d’estoc à l’origine de sa blessure la plus grave est reconnu comme une violence illégitime. Les condamnés, tout comme le ministère public, ont toutefois dix jours pour faire appel. 

Une dizaine de coups « illégitimes » 

Selon la feuille de motivation transmise à la presse, la cour d’assises conclut que Marc-Antoine C. a porté trois coups illégitimes sur Théodore Luhaka, dont le coup de matraque qui l’a grièvement blessé à l’anus. 

Si l’usage du bâton télescopique de défense était légitime lors de cette interpellation, parce que le jeune homme s’y opposait « de toutes ses forces », elle retient que le geste d’estoc, « bien que conforme aux techniques enseignées à l’école de police », ne pouvait pas être justifié par la légitime défense d’autrui. Au moment où le coup a été porté, il n’est pas démontré que Jérémie D. se serait trouvé « dans une situation de danger de nature à porter atteinte à son intégrité physique ». Les policiers étaient en nombre suffisant pour se passer de ce geste et finaliser l’interpellation. 

Malgré les lésions « particulièrement graves » causées par ce coup, la cour n’a pas de certitude sur leur caractère définitif. Elle écarte donc « l’infirmité permanente » qui fondait les poursuites criminelles. Ce geste violent est requalifié en délit.

La décision considère aussi comme « illégitimes » toutes les violences « commises après la chute de Théodore Luhaka au sol, alors qu’il ne bougeait plus » : un coup de matraque supplémentaire et une gifle de Marc-Antoine C., des coups de gazeuse et une bousculade de Jérémie D. alors que le jeune homme était menotté, considérés comme des gestes « pas strictement nécessaires ni proportionnés », ainsi qu’un coup de poing et un coup de pied portés par Tony H., dont les explications « n’ont pas convaincu la cour et le jury »

Au terme de l'enquête administrative, Tony H. a été blanchi. Jérémie D. et Marc-Antoine C. sont passés en janvier 2021 devant le conseil de discipline, qui a préconisé un simple blâme, mais le ministère de l’intérieur n’a pas encore pris de décision définitive. Dans les affaires de violence, l’administration préfère généralement attendre l’issue judiciaire pour se prononcer, même si les deux procédures sont en théorie indépendantes l’une de l’autre. 

Il est rare que des policiers soient jugés devant une cour d’assises pour des violences, même mortelles, commises dans l’exercice de leurs fonctions (voir l’encadré présent dans cet article). Il est encore plus rare que ces procès devant un jury populaire donnent lieu à une condamnation. 

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