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19 février 2024 1 19 /02 /février /2024 21:01
Un membre du GIGN jugé
pour avoir tué Henri Lenfant
d’une balle dans la nuque 

En 2018, le gendarme Alexandre B. a fait feu sur un homme qui avait redémarré sa voiture pendant son arrestation. Il doit être jugé pour « coups mortels », du 19 au 22 février, devant la cour criminelle du Pas-de-Calais. 

À partir du lundi 19 février, un gendarme de 43 ans doit comparaître pendant quatre jours devant la cour criminelle du Pas-de-Calais, à Saint-Omer. Accusé de « coups mortels » sur Henri Lenfant, tué d’une balle dans la nuque à 22 ans, Alexandre B. risque vingt ans de prison. 

Au terme d’une enquête qui a duré quatre ans, une juge d’instruction de Béthune a écarté la légitime défense et estimé que le tir d’Alexandre B. n’était « pas strictement proportionné » à la situation. D’autant plus pour « un professionnel formé au tir et membre d’une antenne du GIGN, aguerri aux interpellations difficiles »

Cette décision de mise en accusation, contestée par le gendarme, a été confirmée en appel et en cassation. « Les conditions de tir prévues par la loi nous semblent être réunies », maintient l’avocat d’Alexandre B., Sébastien Busy, qui ajoute : « Nous avons parfaitement conscience qu’un homme est mort, mais l’objectif de mon client était d’interpeller. » Aux yeux de la défense, Henri Lenfant représentait « une menace directe » pour Alexandre B. et ses collègues. 

 
Illustration 1 Marche blanche pour Henri Lenfant à Fouquières-lès-Lens, le 28 septembre 2019. © Photo Alexis Christiaen / La Voix du Nord / PhotoPQR via MaxPPP

De son côté, la famille d’Henri Lenfant n’a pas obtenu que les faits soient qualifiés d’« homicide volontaire », c’est-à-dire de meurtre, ce qui aurait conduit Alexandre B. devant les assises. « On est beaucoup plus proche du meurtre que de l’homicide involontaire », soutient Alban Deberdt, conseil des parties civiles aux côtés de Sophie David.

L’avocat poursuit : « Mes clients ont hâte que justice soit rendue. Comment un membre du GIGN, formé, qui doit maîtriser ses gestes, peut-il tirer à bout portant dans la tête d’un homme désarmé et tétanisé ? Comment penser qu’il n’a pas d’intention de tuer ? Pourquoi les autres gendarmes rangent leur arme ? Avec le véhicule du GIGN à l’arrière, Henri Lenfant ne pouvait pas reculer. À l’avant, il y avait un fossé. Il lui était impossible de s’enfuir, et de toute façon, sa voiture était balisée. » 

Un conducteur cramponné au volant

Dans la nuit du 28 septembre 2018, Alexandre B. et onze de ses collègues du GIGN interviennent dans le cadre d’une enquête judiciaire pour « vols aggravés » menée par la brigade de recherches d’Arras. 

Positionnés sur un parking de Fouquières-lès-Lens, à proximité d’un camp de « gens du voyage », les gendarmes de cette unité d’élite sont chargés d’attendre et d’arrêter trois suspects de cambriolages. Décrits par leurs collègues locaux comme des « malfaiteurs déterminés », capables de violence, ils seraient « prêts à prendre tous les risques pour fuir »

Quand la voiture des trois hommes se gare, à 3 h 35, Alexandre B. donne le « top » de l’interpellation. Deux passagers s’échappent à pied tandis que le conducteur, Henri Lenfant, reste immobile et s’agrippe au volant. L’un des gendarmes brise la vitre du conducteur et ouvre sa portière mais ne parvient pas à l’extraire de la voiture. 

Alexandre B. décide alors de pénétrer dans l’habitacle, côté passager, son arme de service à la main. Il tire le frein à main et tente de retirer la clé du contact. Mais Henri Lenfant redémarre et la voiture embarque le gendarme sur une vingtaine de mètres. 

Alors qu’Alexandre B. a les deux genoux sur le siège passager et les pieds qui dépassent de la portière ouverte, une lutte s’engage. Le gendarme donne des coups au conducteur, au niveau du flanc droit, et lui intime l’ordre de s’arrêter. Henri Lenfant accélère en direction d’un champ et repousse deux fois le gendarme avec sa main. 

Un coup de feu retentit. La balle tirée par Alexandre B. atteint l’arrière du crâne d’Henri Lenfant. Le Samu, appelé par les forces de l’ordre, ne peut le réanimer. Henri Lenfant est mort à 22 ans. Ferrailleur et père de deux jeunes enfants, il vivait en famille dans une caravane. Aucune arme n’a été retrouvée dans sa voiture. 

Une position « inconfortable et dangereuse »

Tout au long de l’enquête menée par l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) puis de l’instruction, Alexandre B. a soutenu qu’il se sentait en danger de mort, craignant d’être éjecté du véhicule puis écrasé. Ses collègues confirment, estimant que tous les gendarmes proches du véhicule risquaient leur vie. 

Depuis sa mise en examen pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », il y a cinq ans, Alexandre B. est sous contrôle judiciaire avec l’interdiction de porter une arme. Il n’en avait jamais fait usage auparavant, s’entraînait au tir « au moins deux fois par mois » et affirme qu’il a tiré sans viser la tête et sans volonté de tuer.

Dans l’attente de son procès, il est toujours gendarme mais cantonné à des tâches administratives. Son avocat décrit un homme « très volontaire », qui avait servi au GIGN, en Polynésie et en Guyane. Sa carrière, longue d’une vingtaine d’années, est aujourd’hui « complètement bloquée »

Dans son ordonnance de mise en accusation, la juge d’instruction confirme qu’Henri Lenfant « résistait à son interpellation », « par sa passivité puis par le redémarrage du véhicule et enfin en repoussant de la main Alexandre B. ». Mais elle souligne aussi que le gendarme a décidé « de sa seule initiative de pénétrer dans l’habitacle du véhicule », arme à la main, « sans que cela relève d’une nécessité absolue ».

Pour la magistrate, « d’autres solutions permettaient encore l’immobilisation définitive » de la voiture. Elle estime donc que le gendarme s’est mis de lui-même « dans une position particulièrement inconfortable et dangereuse » et conclut au caractère disproportionné de son geste. Les cinq juges professionnels de la cour criminelle auront quatre jours pour se faire une idée.

 
 

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