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4 juin 2019 2 04 /06 /juin /2019 11:39

https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/marseille-enquete-ouverte-apres-tir-lbd-mineur-1680290.html#xtor=EPR-521-[france3regions]-20190604-[info-image4]&pid=

Marseille : enquête ouverte par l'IGPN après
un tir de LBD sur un mineur

L'IGPN a été saisie après la plainte d'un adolescent, blessé en marge d'une manifestation de "gilets jaunes" fin 2018 à Marseille, et qui dénonce un tir de LBD en pleine tête et de dos, a-t-on appris mardi auprès du procureur de la République de Marseille
 

Par GB / France 3 Provence-Alpes (avec AFP)

Le procureur de la République de Marseille Xavier Tarabeux a confirmé mardi avoir saisi l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) à la suite d'une plainte déposée fin mai par l'avocat de la victime, confirmant une information de Mediapart.

ILLUSTRATION - Des policiers équipés de Lanceurs de balle de défense (LBD40), lors d'une manifestation en mai 2019. / © SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Selon cette plainte pour "violences aggravées", les faits se sont produits le 8 décembre 2018 dans le centre-ville de Marseille, non loin du lieu où habite l'adolescent, alors âgé de 14 ans et qui ne participait pas à la manifestation.

Il se trouvait avec sa soeur lorsqu'il a été "tout à coup" encerclé par des policiers, rapporte la plainte. "Voulant se défendre, il a jeté un trognon de pomme en direction des policiers", a précisé son avocat Me Brice Grazzini. "Il a été identifié et touché ensuite en pleine tête et de dos", au lanceur de balle de défense (LBD), ajoute le conseil, contacté par l'AFP.

L'adolescent qui a perdu connaissance quelques instants, a passé une nuit à l'hôpital. Il souffre d'un traumatisme crânien et d'une "fracture occipitale", et s'est vu prescrire 21 jours d'incapacité temporaire totale (ITT), selon la plainte.

L'avocat regrette que le commissariat où l'adolescent s'était rendu avec sa mère ait refusé de prendre ensuite une première plainte : "Cela empêche de prendre rapidement en compte la gravité de l'infraction, et de saisir les images de vidéosurveillance" en temps utile, dénonce-t-il.

Le samedi 8 décembre avait été le plus tendu à Marseille depuis le début du mouvement des "gilets jaunes", auquel s'étaient ajoutées une marche pour le climat et une autre contre le logement insalubre. De violents heurts avaient éclaté en fin de journée, et 42 personnes interpellées.

La manifestation des gilets jaunes le 8 décembre 2018 à Marseille (Bouches-du-Rhône), avait donné lieu à des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. / © BORIS HORVAT / AFP

Une autre enquête est en cours à l'IGPN sur les blessures d'une jeune femme de 19 ans, Maria, qui affirme, images à l'appui, avoir été matraquée et rouée de coups le même soir, à quelques rues de là, par des policiers en civil.

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4 juin 2019 2 04 /06 /juin /2019 08:38
Marseille: un policier tire au LBD dans la tête
d’un mineur de 14 ans
4 juin 2019 Par Pascale Pascariello
Un mineur de 14 ans blessé par un tir de LBD derrière la tête. Le procureur de la République de Marseille vient d’ouvrir une enquête préliminaire pour violences volontaires aggravées. Elle vient s’ajouter à celle déjà ouverte pour des violences policières commises le même jour sur Maria, jeune fille de 19 ans dont le crâne a été fracassé et le cerveau endommagé.
https://www.mediapart.fr/journal/international/040619/marseille-policier-lbd-tir-tete-mineur-14-ans

Le 8 décembre à Marseille, en marge des manifestations des gilets jaunes, des policiers ont grièvement blessé deux jeunes personnes, qui tentaient simplement de regagner leur domicile. 

Policiers présents le samedi 8 décembre, Marseille. © DR

C’est le cas de Kamel*, 14 ans, qui a reçu en pleine tête et de dos, un tir de lanceur de balles de défense (LBD). Conduit aux urgences pédiatriques pour un traumatisme cranio-cervical et une fracture du crâne, il lui a été délivré une incapacité temporaire totale (ITT) de 21 jours, sous réserve de complications. 

Le constat médical fait également état de troubles post-traumatiques, « un état anxieux persistant, avec cauchemars, une apathie et des insomnies avec une perte de 3 kilos », nécessitant un suivi par un pédopsychiatre.  

Le parquet de Marseille vient d’ouvrir une enquête préliminaire pour « violences volontaires aggravées par personne dépositaire de l’autorité publique ». Elle a été confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Elle vient s’ajouter à une autre enquête sur des violences policières commises le même jour, à quelques centaines de mètres. 

Comme nous le révélions, touchée par un tir de LBD à la cuisse, Maria*, 19 ans, s’était écroulée à terre et avait alors été violemment matraquée et frappée à coups de pied à la tête par des policiers. Comme le précise le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux, les pompiers auditionnés dans le cadre de la première enquête, concernant Maria, ont précisé avoir dû prendre en charge, avant la jeune fille, un garçon de 14 ans, en l’occurrence Kamel, blessé au crâne lui aussi par les forces de l’ordre.

(...) Si les délais du dépôt de plainte ont été aussi importants, c’est parce que quelques jours après les faits, elle a été confrontée à un refus catégorique et non motivé du commissariat d’enregistrer sa plainte.  

« Ils m’ont affirmé d’abord qu’il s’agissait d’un gendarme et non d’un policier et ils m’ont dit qu’ils ne prenaient pas ma plainte sans rien me préciser de plus », explique Djamila qui a dû alors prendre attache auprès d’un avocat et constituer le dossier pour son petit frère.  

« Rejeter la faute sur les gendarmes alors qu'aucune identification n'a été faite, c'est affligeant. Et, surtout, c’est particulièrement scandaleux de voir une nouvelle fois que les fonctionnaires de police refusent qu’une victime de leurs collègues dépose plainte. Je suis confronté à cette situation 9 fois sur 10 dès que l’auteur présumé des faits est un policier », déplore l'avocat de Kamel, Brice Grazzini.

(...) Un policier qui a préféré garder l’anonymat explique que « la pression est forte pour ne pas retrouver ceux qui ont commis ces violences mais ce n’est pas difficile de savoir qui était sur place ce soir-là. On peut même voir sur certaines photos le visage du commandant et du capitaine en charge des opérations ». Partant de ces informations dont disposent les enquêteurs, il devrait être aisé de pouvoir retrouver les hommes qui étaient placés sous leur responsabilité, et donc les auteurs présumés de ces violences, ce sombre samedi. 
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3 juin 2019 1 03 /06 /juin /2019 20:50

https://www.liberation.fr/france/2019/06/03/violences-par-des-surveillants-celui-qui-subit-ca-il-est-choque-a-vie_1731404

Violences par des surveillants : «Celui qui
subit ça, il est choqué à vie»
Par Lohan Benaati
Dans un rapport accablant, la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP) dénonce l’omerta qui entoure les violences physiques commises par les surveillants sur les détenus.

«Ça fait toujours bizarre de se replonger là-dedans…» Le regard déterminé, Hervé Técourt raconte l’agression qui l’a marqué de manière indélébile. Ce jour-là, il est à l’hôpital, menotté, en compagnie de quatre agents pénitentiaires. Ces derniers le soupçonnent de cacher quelque chose dans sa bouche. L’un d’eux s’empare alors d’une toupie médicale – semblable à un «gode» – et enfonce l’instrument dans sa bouche. «Seule une infirmière était présente sur les lieux, alors que son utilisation nécessite un médecin, se souvient Hervé. Dans le compte rendu d’incident, il y avait toutes les preuves du défaut de procédure, de violences, et même de viol.» Le parquet décide pourtant de classer sa plainte sans suite. Mais l’homme ne baisse pas les bras. Il connaît les rouages de la détention. L’instruction est, aujourd’hui, toujours en cours. «Moi, je savais comment faire pour sortir de la prison et voir un médecin extérieur. Mais celui qui subit ça pour sa première détention, il est choqué à vie.»

Aujourd’hui, Hervé Técourt fait tout pour ne plus laisser ces violences impunies. Devenu juriste et membre du conseil d’administration de la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP), il se bat pour lutter contre ces actes qui font l’objet d’une omerta dans le milieu. Le rapport de l’OIP, présenté ce lundi, regorge de témoignages aussi édifiants que le sien. «Les violences pénitentiaires, c’est le quotidien», souffle-t-il. Depuis un an, l’organisme a enquêté et rencontré une centaine d’acteurs du système carcéral afin de décrypter le phénomène des violences pénitentiaires, celles commises par des surveillants envers des détenus. Car aucune donnée ni aucune statistique n’existe pour l’illustrer.

«Angles morts»

«L’administration ne communique que sur les violences envers les surveillants ou entre détenus, confirme Cécile Marcel, directrice de la section française de l’OIP. Nous étions surpris que ce soit à ce point-là.» En deux ans, l’organisme a pourtant reçu 200 signalements de détenus accusant des surveillants de violence physique à leur encontre. Soit deux par semaine. L’OIP prévient d’emblée : il ne s’agit pas de pointer une profession aux conditions de travail éprouvantes, ou de balayer d’un revers de main les actes dont peuvent être victimes les surveillants. «Dans l’univers carcéral, les violences s’alimentent les unes des autres. Mais les unes sont dénoncées, tandis que d’autres demeurent des angles morts. Nous avons choisi de nous concentrer sur ces angles morts», poursuit Cécile Marcel.

Les violences physiques et illégales du personnel pénitentiaire peuvent prendre plusieurs formes : celles consécutives à des interventions, comme lors des fouilles à nu ou des placements en quartier disciplinaire; celles qui surviennent à froid, lors de règlements de comptes ou de passages à tabac; ou encore les violences «structurelles», portées par un groupe d’individus et encouragées par leur hiérarchie. Le rapport cite ainsi cinq cas de maltraitance de détenus survenus ces dernières années et couverts par la direction, certains établissements allant jusqu’à utiliser le «tabassage» et la «terreur» comme modes de gestion.

«Régime du silence»

Si le sujet est si peu abordé, c’est parce que personne n’a vraiment intérêt à ce que cela se sache. Du côté des surveillants, insiste l’OIP, un «régime du silence» s’installe : les membres de la majorité silencieuse ne doivent pas dénoncer la minorité active, sous peine de voir le groupe se retourner contre eux et faire l’objet d’intimidations pouvant aller jusqu’à la mutation. Les directeurs de prison ont beaucoup de mal à se désolidariser de l’esprit de corps des surveillants, parfois très puissant. Et les détenus, eux, ont peur des conséquences de leurs plaintes, des possibles expéditions punitives et des transferts dans une autre prison.

«Peu de détenus ne veulent faire valoir leurs droits par peur des représailles, assure Me Maud Schlaffmann, qui a défendu plusieurs personnes incarcérées. Il faut oser et être armé pour aller au bout. Aux yeux de la justice, le détenu n’est pas une victime lambda, sa parole pourra être décrédibilisée. Et puis, la personne accusée est un fonctionnaire pénitentiaire.» L’avocate décrit les «témoignages hallucinants» qu’elle a reçus, notamment ceux concernant l’accès au médecin après des violences pénitentiaires : «Certains détenus sont examinés à travers la grille d’une cellule, d’autres plusieurs semaines après les coups. Parfois, le médecin refuse de dresser un certificat médical, alors que c’est une obligation légale et déontologique.»

Mais face à ces nombreux cas, très peu de procès, et encore moins de sanctions. En 2018, un seul fonctionnaire a fait l’objet d’une condamnation pour violences. L’an passé, ils étaient six, après une même affaire ayant abouti à la mort d’un détenu. «L’administration pénitentiaire se repose sur la justice, et attend qu’il y ait une condamnation. Mais la justice ne fait pas son travail», regrette la directrice de l’OIP. Dans la plupart des cas, les surveillants reconnus coupables de violence sont en effet condamnés à de la prison avec sursis sans inscription au casier judiciaire. «Au-dessus du directeur, il y a des magistrats. Alors pourquoi classer systématiquement sans suites les plaintes ?» s’interroge Hervé Técourt.

Dans ce système de «déresponsabilisation collective» pointé par l’OIP, l’appareil judiciaire ne se substitue pas à la défaillance de l’administration pénitentiaire. L’organisme préconise donc plusieurs recommandations pour prévenir et endiguer le phénomène des violences : l’augmentation des moyens d’accès judiciaire des détenus, la conservation des bandes de vidéosurveillance pour au moins six mois, un meilleur accès aux soins médicaux, une meilleure identification des surveillants par le biais d’un matricule visible, ou encore la mise en place d’une meilleure expression collective des détenus.

Les syndicats de surveillants pénitentiaires n’ont pas souhaité répondre aux sollicitations de l’OIP, «mais ils ne nient pas et affirment que ces agissements sont le fruit d’une minorité», déclare Cécile Marcel. «Soit vous vous taisez et vous subissez, soit vous vous rebellez et vous ne laissez pas passer ça. Les surveillants deviennent craintifs quand ils savent que vous êtes procédurier, insiste Hervé Técourt. Mais il faut avoir des moyens, notamment pour envoyer des lettres avec accusé de réception aux personnes compétentes en cas de violences, et renoncer à tout aménagement de peine. Moi, en quatorze ans, je n’en ai jamais eu.»

Lohan Benaati
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3 juin 2019 1 03 /06 /juin /2019 14:25

https://www.bfmtv.com/societe/a-paris-marche-des-mutiles-gilets-jaunes-qui-ne-lacheront-rien-1704010.html

À Paris, marche des "mutilés gilets jaunes"
qui "ne lâcheront rien"
 
 
 

Entre 300 et 400 personnes ont défilé dans le calme en hommage aux gilets jaunes blessés durant la mobilisation et dénonçant les violences policières.

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3 juin 2019 1 03 /06 /juin /2019 14:00

https://reporterre.net/Marche-des-mutiles-Le-LBD40-est-devenu-une-arme-de-terreur-politique

Marche des mutilés : « Le LBD40 est devenu
une arme de terreur politique »

3 juin 2019 / Raphaël Goument et NnoMan (Reporterre)

  • Paris, reportage

Dimanche 2 juin 2019, ils étaient un petit millier à répondre présent à l’appel du collectif Les Mutilés pour l’exemple, afin de dénoncer les violences policières et réclamer l’interdiction des armes de la police dites « à létalité réduite », grenades de désencerclement, grenades Gli-F4 et LBD40. De Bastille à Nation sous une chaleur étouffante, ce fut une marche dure, émouvante, mais nécessaire pour prendre conscience des dégâts causés par les armes de la police, dans les chairs comme dans les esprits. Ils s’appellent Dylan, Axel, Laurence, Kaïna, Robin, Vanessa, Patrice, Antoine, Gwendal ou David et chacun a perdu un morceau de lui-même. Des mutilations pas toujours visibles mais bien présentes. Chacun se ballade avec une petite pancarte blanche toute simple. Y figure en quelques mots leur calvaire : « J’ai perdu l’odorat », « borgne = vie de merde », etc.

La marche a été marquée par de nombreuses pauses, donnant le temps aux uns et aux autres de prendre le micro, dire leur histoire, raconter leur souffrance et leur colère. À chaque fois, un silence de mort, la solidarité des mutilés, les applaudissements nourris.

 
Antoine, 26 ans, blessé par une grenade GLI-F4 et amputé de sa main droite à Bordeaux, le 8 décembre.

Patrice a 50 ans et il est originaire de Pau. Il a perdu son œil droit le 8 décembre sur les Champs-Élysées. Un tir de LBD40. « Borgne to be alive » comme il le dit lui-même. « Juste après la blessure, le premier Gilet jaune que je croise, quand je vois son visage, j’ai tout de suite compris. » Transféré à l’hôpital Cochin, son œil ne pourra pas être sauvé. « De la bouillie dedans ». À sa sortie, cinq heures plus tard, il vomit sur le parking. Commence ensuite la reconstruction, la construction de la vie d’après. « J’étais chauffeur routier, ça faisait 28 ans que je faisais ce boulot par passion, c’est fini, c’est mort. J’étais devenu chauffeur de convoi exceptionnel, un aboutissement. Tout ça saccagé par la répression. Le 8 décembre, tout un pan de moi s’est écroulé. » À sa fille de 15 ans, il essaye de ne pas lui transmettre sa colère. « Je ne veux pas lui retourner la tête avec tout ça. Et puis je n’ai pas de colère contre le mec qui a fait ça, il a bêtement fait son travail. Mais Macron et Castaner, il va falloir qu’ils prennent leurs responsabilités ».

 
Jérôme Rodrigues : « le LBD-40 est devenu une arme de terreur politique, qu’est-ce qu’on attend pour l’interdire ? »

Se rendre visible pour instaurer un rapport de force est essentiel. Une des figures des Gilets jaunes, Jérôme Rodrigues, est présente dans le cortège. Il a lui aussi perdu un œil, le 26 janvier, place de la Bastille à Paris, alors qu’il filmait avec son téléphone. « J’ai un soutien médiatique que les copains n’ont pas forcement, il faut que ça puisse les aider. » L’homme à la barbe est partagé entre sa notoriété et sa douleur personnelle : « Comment expliquer qu’un éborgné, personne n’en parle ? Alors que dans le même temps, un énervé en manif qui fait une connerie, on en parle pendant trois jours à la télé. Comment ça se fait que dans un État de droit, on puisse se faire shooter la gueule quand on descend dans la rue revendiquer quelque chose ? A tous les donneurs de leçons qui ne mettent jamais un pied dehors, je les invite à se faire péter un œil. Ça les fera changer ». Et de conclure : « le LBD40 est devenu une arme de terreur politique, qu’est-ce qu’on attend pour l’interdire ? »

 
Kaïna : « Les nuits d’angoisse, les insomnies, la souffrance et l’inquiétude des amis, de la famille. Ils ont mis nos vies en pause. »

Au-delà de la médiatisation et du bras de fer engagé avec le gouvernement au sujet des moyens répressifs, l’initiative du collectif Les mutilés pour l’exemple est aussi cruciale pour celles et ceux qui le rejoignent. Pour tous ces blessés, c’est une aide pour briser l’isolement, se tenir moins seul. Ils ont passé le week-end ensemble, à échanger et apprendre les uns des autres. « On peut parler ensemble, pleurer ensemble », résume Kaïna. La jeune femme de 32 ans a fait le déplacement depuis Montpellier. Touchée par un tir de LBD40 en haut du front le 29 décembre 2018, la cicatrice est à peine visible, sous ses cheveux et son foulard, mais le choc est encore présent. « Les nuits d’angoisse, les insomnies, la souffrance et l’inquiétude des amis, de la famille. Ils ont mis nos vies en pause. Ça, les gens ne le voient pas, tout ce combat psychologique, et c’est le plus dur ».

Un soutien d’autant plus important que les victimes se sentent souvent abandonnées par les pouvoirs publics. « On n’a aucune aide, rien. Même le psy n’est pas remboursé », dit Kaïna, amère. Et puis il faut faire face à toutes les démarches administratives, lentes et lourdes : gérer le dossier médical, les examens, le suivi, faire valoir son statut de travailleur handicapé, etc. À ce sujet, Jérôme Rodrigues ne cache pas sa colère : « 20 pages de documents à remplir pour prouver que j’ai perdu mon œil, sérieusement ?! »

Se regrouper permet aussi de faire face à l’institution judiciaire. Une aide d’autant plus précieuse que certains membres du collectif font profiter aux autres de leur expérience. Bien que la majorité des mutilés aient été blessés pendant la crise des gilets jaunes, d’autres ont vu leur vie basculer bien avant. C’est le cas de Christian, 58 ans. Son fils a été touché par un tir de LBD40 le 14 octobre 2010 lors d’un blocage de lycée, durant le mouvement contre la réforme des retraites. Depuis, venir en aide aux autres personnes touchées s’est imposé comme une évidence. « D’un point de vue juridique c’est très important. Si tu es isolé, ils [la justice] font ce qu’ils veulent de toi. Les procédures, ce sont des années et des années de travail et d’attente. » Comme beaucoup d’autres, il a été attentif aux déclarations du procureur Rémy Heitz dans son interview donnée au Parisien, sans guère d’illusions. À propos des huit dossiers qui ont donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire : « C’est n’importe quoi. On aimerait avoir des détails et savoir ce que contiennent ces dossiers : quelles affaires ? qui les défend ? les policiers sont-ils soutenus par leurs syndicats ? C’est du théâtre : les flics font mine de ne pas être contents, mais ils savent très bien comment ça se finit… »

 
Robin Pagès, assis au centre : « Je ne pourrai plus jamais jouer au foot avec mes enfants. »

Robin Pagès a lui été mutilé par la répression bien avant le mouvement des Gilets jaunes. Le paysagiste de 29 ans participait à une manifestation contre un projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure, dans l’est de la France. C’était le 15 aout 2017, son pied a été déchiqueté par une grenade Gli-F4, engin explosif des forces de l’ordre qui contient 25 grammes de TNT. « Je suis parti en manif un mardi, je ne suis jamais rentré », explique-t-il, assis dans son fauteuil roulant. « J’ai deux enfants en bas âge, je ne pourrai plus jamais jouer au foot avec eux, je ne peux plus les prendre sur mes épaules. Mon fils porte les courses, il a 5 ans. Il n’y a pas une seule seconde où je n’ai pas mal. Je prends de la morphine le soir avant de dormir, mais je fais des nuits blanches quand même. Ce que je raconte, ce n’est pas mon histoire, c’est celle de tous les mutilés ».

 
Martin, 50 ans, blessé par un tir le LBD40 au visage le 12 janvier, à Nîmes : « J’avais commencé un travail de correcteur-traducteur, pour l’instant je ne peux rien faire. J’ai des vertiges, des angoisses, des pertes de mémoire, je suis obligé de prendre des traitements lourds, je n’ai pas le choix. »

Du côté du pouvoir, le déni continue. Laurent Nunez, secrétaire d’État à l’Intérieur, a déclaré : « Nous n’avons pas de regret sur la façon dont nous avons mené l’ordre public et la sécurité publique. (...) Ce n’est pas parce qu’une main a été arrachée, parce qu’un œil a été éborgné, que la violence est illégale. »

 
Axel, 25 ans, blessé par un tir de LBD à la tête à Montpellier : « J’ai eu des vertiges pendant des mois, j’ai perdu l’odorat, ça a été une choc psychologique énorme. Ma femme était avec moi, elle a eu une vision d’horreur. Il faut qu’on fasse interdire ces armes de guerre. »
 
Dylan, 18 ans, blessé par une grenade à Montpellier, le 27 avril : « J’ai été touché à l’œil droit. Il n’y avait pas de menace, rien... Je vais encore en manif tous les samedis. Le 8 juin, il y a une manif régionale à Montpellier, faut que tout le monde vienne, on a pas le choix, faut rien lâcher. »
 
Celia, 31 ans : « Mon homme a été éborgné le 8 décembre à Bordeaux. J’ai cru le voir mourir dans mes bras. Et aujourd’hui, on a le silence de mort du gouvernement, le silence de la police. Ce n’est pas normal. Il faut que la population se réveille. »
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3 juin 2019 1 03 /06 /juin /2019 08:18

 https://paris.demosphere.net/rv/70167

Marche Adama III : Ripostons à l'autoritarisme !

Départ de la marche de la Gare de Persan-Beaumont  - Arrivée sur le terrain du Quartier BoyenvalConférence de presse 12h00 devant la Mairie de Persan

Le 20 juillet 2019, ce sera la MARCHE ADAMA III, moment politique incontournable des luttes des quartiers populaires.

Cela fera trois ans de lutte après la mort d'Adama Traoré, tué par trois gendarmes à Beaumont-sur-Oise. Trois ans de lutte contre le déni de justice, contre la répression étatique, pour la libération des quatre frères Traoré emprisonnés.

En mars 2019, alors que les juges s'apprêtaient à rendre un non-lieu dans l'affaire Adama, une expertise médicale indépendante, menée par les plus grands spécialistes, rend une conclusion qui est sans appel : Adama Traoré n'est mort d'aucune maladie, il est mort asphyxié sous le poids des trois gendarmes. L'enquête est aujourd'hui relancée par les trois juges, c'est pourquoi plus que jamais, il nous faut maintenir la pression.

Durant cette dernière année, Assa Traoré et le reste du Comité Adama ont fait plus de 200 déplacements dans toute la France. Nous avons sillonné tout le pays, meetings politiques, universités d'été, conférences universitaires, événements culturels de la diaspora afro, lycées de banlieue, tournée des quartiers populaires, rassemblements, manifestations...

Le tournant politique de la fin de l'année dernière, c'est l'appel du Comité Adama à rejoindre le mouvement des Gilets Jaunes durant l'acte III le 1er décembre 2018. Nous avons appelé à une union des classes populaires, « monde rural et quartiers populaires en banlieue », avec comme ligne politique le fait de rappeler les morts dans nos quartiers, et d'imposer dans le mouvement social un discours antiraciste radical.

La France a découvert à l'occasion de ce dernier mouvement social l'ampleur des violences policières, c'est pourquoi nous avons décidé de créer un front large pour « Riposter à l'autoritarisme ». Le premier acte de ce front a eu lieu le 11 mai dernier, à Paris, avec des militants du mouvement social, des écologistes, enseignants, parents d'élèves, migrants, antifascistes, gilets jaunes, familles de victimes des crimes policiers, antiracistes, etc.

Le deuxième acte collectif de cette riposte, ce sera la MARCHE ADAMA III, le 20 juillet 2019 à Beaumont-sur-Oise, 14h30 au départ de la Gare de Persan-Beaumont.

Soyez tous présents, habitants des quartiers populaires, gilets jaunes, militants du mouvement social, etc.

Ne ratons pas cette occasion historique d'une alliance des luttes ! 🏴‍☠

Réunion de préparation pour la marche le 12 juin à la Bourse du Travail de Paris par Ripostons à l'autoritarisme. 

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2 juin 2019 7 02 /06 /juin /2019 11:01

https://www.politis.fr/articles/2019/05/le-lbd-dans-le-viseur-dun-depute-suisse-40464/

Le LBD dans le viseur d'un député Suisse

L'exportation vers la France du lanceur de balles de défense de fabrication suisse, vivement critiqué pour son utilisation contre les gilets jaunes, serait potentiellement illégale au regard du droit helvète, soutient un élu de Genève.

Un député helvète tire à boulet rouge sur le lanceur de balles de défense de fabrication suisse (LBD 40). Guy Mettan a proposé au grand conseil du canton de Genève, un Parlement local, une résolution pour interdire d’exporter l’arme vers la France. Déposée la semaine dernière, la demande devra cependant passer de nombreux filtres et votes avant d’aboutir à une décision du Conseil fédéral, organe exécutif du pays. « Ce n’est pas gagné, mais ça pourrait marcher, ma résolution n’est pas excessive », juge l’élu avant d’ajouter : « Mais elle donnera lieu à un intense lobbying contre. »

Dans son récapitulatif « Allô Place Beauvau, c’est pour un bilan (provisoire) », le journaliste David Dufresne a répertorié 292 signalements de manifestants blessés par un LBD 40. L’arme désignée « à létalité réduite » par son fabricant suisse Brügger & Thomet (B&T), est notamment responsable de nombreuses énucléations. Près d’un millier de gilets jaunes avait manifesté en février devant l’ONU à Genève, notamment contre les violences policières. Un cri de détresse entendu par Michelle Bachelet, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme. L’ancienne présidente chilienne avait notamment appelé en mars les autorités françaises à enquêter pour « usage excessif de la force ».

Du « matériel de guerre » contre des civils

Dans sa proposition de résolution, Guy Mettan brandit une ordonnance suisse du 25 février 1998 sur le matériel de guerre. Son article 5 émet des critères pour l’exportation d’armes vers des pays étrangers, notamment le respect des droits de l’homme par le pays importateur. La vente de telles armes doit être interdite « s'il y a de forts risques que, dans le pays de destination, le matériel de guerre à exporter soit utilisé contre la population civile ».

La qualification de « matériel militaire » du lanceur décrié ne fait plus débat depuis la publication d’un article du Canard enchaîné. Dans un numéro d’avril, le palmipède avait révélé le désarroi de l’État français, désormais tenu de faire avaliser les commandes de nouveaux LBD par le ministère des Armées. La réglementation internationale classifie le lanceur en catégorie A2, code pour le « matériel de guerre ». Une information confirmée par le Conseil fédéral suisse dans un avis publié le 15 mai, en réponse à une question formulée par un élu socialiste : « Le LBD40 est en principe considéré comme du matériel de guerre. »

Une mauvaise balle dans le canon

Pour fonder une interdiction d’exportation du lanceur de balles de défense, Guy Mettan pointe les mésusages de la France. « La situation est aggravée par l’emploi par la France de munitions plus dangereuses et non conformes au mode d’emploi du fabricant suisse », indique dans sa résolution le député. L’entreprise d’armement Brügger & Thomet, sous le feu des critiques après la constatation de nombreuses mutilations de manifestants, avait en effet pris ses distances avec ses clients français. « Les munitions utilisées en France n’ont pas été conçues, fabriquées ni livrées par B&T AG », se défendait la société dans une communiqué de presse avant de conclure : « En cas d’utilisation de munitions des autres fabricants, il y a le risque que la précision baisse et le risque de blessure augmente considérablement. »

https://www.youtube.com/watch?v=0S6VEEJEA3s

Déjà, les munitions du fabricant suisse, placée dans un lanceur maintenu à position fixe, à 25 mètres d’une cible, peuvent se disperser sur 7 centimètres. Une précision imparfaite, obtenue en laboratoire, sans les tremblements d’un tireur, ni les mouvements d’une cible.

Le député en lutte pour interdire l’exportation de LBD vers la France tempère l’effet de son action : « La procédure pourrait aboutir dans une, voire deux années… Mais c’est avant tout un signal politique à l’impact purement symbolique. » Le 18 mai encore, un gilet jaune de 16 ans, Axel, a été frappé par un tir de LBD en pleine tête selon le quotidien régional L'Union. Les corps, eux, continuent d'être marqués... Symboliquement ?

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2 juin 2019 7 02 /06 /juin /2019 09:11

samedi 15 juin 2019 à 13h12

Marche de commémoration et concert en hommage à Lamine Dieng

Après la violence policière par le meurtre et la violence judiciaire par le non-lieu, que faire face à la violence d'État ?

Cette année encore, douze ans après le meurtre de Lamine Dieng, nous marcherons en sa mémoire, avant de nous rendre à l'hommage que lui rendront plusieurs artistes lors du concert « Hommage à Lamine Dieng ».

13h12 : Marche de commémoration.

RDV 58 rue des amandiers 75020 Paris

19h : Concert hommage à Lamine Dieng.

à la Parole errante, 9 rue Francois Debergue 93100 Montreuil

Présenté par Nes Pounta

Entrée à prix libre. Repas péruvien

Lamine Dieng

Il y a douze ans, notre fils, frère, ami, Lamine Dieng succombait à Paris, sous les violences exercées par des policiers.

Depuis, nous parents, amis et soutiens avons affronté dix longues années de procédures judiciaires pour faire reconnaître la responsabilité des brutalités des agents dans la mort de Lamine. Dix ans pour déboucher sur un non-lieu en 2017... alors que l'asphyxie a été reconnue comme cause du décès.

Dix ans d'instruction pour dire qu'il ne s'est rien passé, qu'il n'y a pas matière à poursuivre les tueurs de Lamine Dieng. Selon le magistrat Patrick Gachon, il n'y a pas matière à ouvrir un procès contre celui qui a étranglé Lamine avec sa matraque, ceux qui ont comprimé son thorax, celui qui a comprimé sa tête et celui qui a replié ses jambes jusqu'au bassin. Le juge motive cette décision par le fait que la technique du plaquage ventral n'est pas interdite en France et que les policiers se voyaient en situation de rébellion face à un homme... pourtant déjà à terre à leur arrivée. Et ensuite, entravé aux 4 membres.

Le 17 juin 2007, Lamine avait 25 ans, était en bonne santé et heureux de vivre. Il a perdu la vie dans des conditions atroces, aux mains de quatre policiers. Quatre professionnels garants de la sécurité publique, appelés pour tapage nocturne. Seul, non armé, ne menaçant aucune vie, Lamine Dieng, a été plaqué face contre terre, chevilles sanglées et menottes aux mains, un bras passé par dessus l'épaule et l'autre replié dans le dos, son calvaire a duré une demi-heure au cours desquelles il a été plié et écrasé par près de 300 kg, correspondant au poids total des policiers agenouillés sur son dos. Après avoir traîné Lamine, entravé, sur le bitume avant de le jeter sur le plancher du fourgon de police, un agent s'agenouille sur sa tête pendant que deux autres compriment son thorax, agenouillés sur ses épaules, un quatrième agent s'agenouille sur les jambes de Lamine, repliées jusqu'au bassin. Le décès de Lamine est constaté trente minutes après l'intervention.

Le 18 juin, la police des polices (IGS) conclut que Lamine Dieng est «mort naturellement d'un arrêt cardiaque, qui pourrait être dû à une overdose de cocaïne et de cannabis».

Le 22 juin, la famille dépose une plainte avec constitution de partie civile, qui ouvrira une information judiciaire le 10 juillet 2007.

En 2008, l'asphyxie est définitivement reconnue comme cause du décès de Lamine. Les conclusions des expertises médicales sont accablantes : «mort d'une asphyxie mécanique par suffocation, due à l'appui facial contre le sol avec pression du sommet de la tête dans un contexte toxique.» Et les auteurs de ce crime sont identifiés.

La contre-expertise médicale a également relevé plus de 30 hématomes sur le corps de Lamine (de 5 cm sur 3 cm à 7 cm sur 3 cm) du cuir chevelu en passant par les pommettes et jusqu'au menton. Des pétéchies conjonctivales, signe d'une compression violente du cou, une morsure profonde de la langue, un œdème cérébral important qui a mis en péril les fonctions vitales, une plaie à la lèvre, des zones de peau arrachées, des hématomes profonds aux genoux et aux pieds, une cyanose des ongles des doigts et des orteils résultant d'une compression thoracique.

Chronologie judiciaire
  • 2009 : Demande d'actes complémentaires par la partie civile, nouvelle audition des 8 policiers présents sur la scène.
  • 2010 : Les policiers sont placés sous le statut de témoins assistés, leur donnant accès au dossier pour préparer leur défense.
  • 2011 : Refus du juge d'organiser une reconstitution sur la scène de crime, au motif qu'elle ne permettra pas de « restituer l'état d'excitation » de Lamine.
  • 2012 : Confrontation des parties et pseudo-reconstitution... dans le cabinet du juge.
  • 2013 : Refus d'entendre les témoins du meurtre, au motif qu'ils n'apporteront aucun nouvel élément au dossier.
  • 2014 : Le juge d'instruction Patrick Gachon émet une ordonnance de non-lieu pour les 8 policiers mis en cause, après une instruction de 7 ans.
  • 2015 : La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris confirme le non-lieu.
  • 2016 : Attente du pourvoi en Cassation.
  • 24 mai 2017 : Audience devant la Cour de cassation.
  • 21 juin 2017 : Rendu de l'arrêt de la Cour de cassation.
  • 2018 : Dépôt du dossier à la Cour européenne des droits de l'homme.

 

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1 juin 2019 6 01 /06 /juin /2019 09:23
 
"Il y aura zéro justice pour nous" : ces "gilets
jaunes" blessés n'attendent rien des
procédures contre les forces de l'ordre

Dans une interview, le procureur de la République de Paris assure qu'il y aura "des renvois de policiers devant le tribunal correctionnel". Des déclarations qui laissent sceptiques Gwendal et Antoine, deux "gilets jaunes" blessés lors des manifestations.

C'est des mots dans le vent." Au bout du fil, Gwendal Leroy, "gilet jaune" éborgné par un tir de grenade le 19 janvier à Rennes, ne donne aucun crédit à la parole du procureur de la République de Paris. Dans un entretien au Parisien, Rémy Heitz assure qu'"il n'y a aucune volonté de [sa] part d'éluder ces violences ou de les minimiser". Après avoir détaillé le suivi des dossiers visant les forces de l'ordre, le procureur affirme qu'"il y aura des renvois de policiers devant le tribunal correctionnel d'ici la fin de l'année".

Une déclaration qui ne touche pas du tout Gwendal Leroy qui "n'a aucune confiance dans ce procureur". "Il y aura zéro justice pour nous tant que ce gouvernement sera au pouvoir", affirme-t-il. "S'il tient parole, c'est une bonne chose", nuance toutefois Antoine Boudinet, qui a eu la main arrachée par une grenade GLI-F4. Mais cet animateur socio-culturel, aujourd'hui au RSA, ne verse pas dans l'optimisme pour autant.

"L'Etat n'a aucun intérêt à nous rendre justice car ça serait admettre qu'il a fait une erreur."Antoine Boudinet à franceinfo

La vie d'Antoine Boudinet a basculé le 8 décembre. Le jeune homme de 26 ans se rend à Bordeaux à une manifestation pour le climat qui finit par converger avec la mobilisation des "gilets jaunes". Vers 16 heures, "une montagne de lacrymo" s'abat sur la place de l'Hôtel de ville. "Un objet roule à mes pieds, se souvient Antoine Boudinet. Je pensais que c'était une lacrymo, je l'ai alors ramassée pour l'éloigner de moi mais elle a explosé." Et de poursuivre : "Je n'ai rien senti, le cerveau coupe la douleur. Je me suis enfui en courant. Les 'gilets jaunes' se sont écartés avec des visages d'horreur et j'ai vu ma main qui manquait." Conduit à l'hôpital, il est amputé de la main droite.

"Dès le trajet dans le camion des pompiers, j'avais compris. J'ai d'abord eu une phase de déni et puis je me suis dit que c'était inadmissible."Antoine Boudinet à franceinfo

Aujourd'hui au RSA après n'avoir pas pu renouveler son contrat de travail dans une école maternelle, le jeune homme doit reprendre ses études à la rentrée. "Bosser dans le social avec une main en moins, c'est faisable", assure-t-il. 

"Niveau financier, c'est l'enfer !"

Gwendal Leroy n'a pas cette chance. Ce cariste de 27 ans, qui se revendique comme non-violent, participe à sa dixième manifestation des "gilets jaunes" à Rennes, le 19 janvier, quand les choses basculent. A la fin de la manifestation, il dit s'être retrouvé seul, le dos tourné aux forces de l'ordre, lorsque "quelque chose tombe et explose". "Ils m'ont tiré une grenade sans sommation et sans raison", assure-t-il. Son œil gauche est touché, il ne verra plus.

"Je ne peux plus conduire ni travailler. La dignité en prend un sacré coup".Gwendal Leroy à franceinfo

Le jeune homme doit attendre une visite médicale mi-juillet qui lui permettra éventuellement de reprendre le volant. En attendant, "niveau financier, c'est l'enfer". Gwendal Leroy touche 850 euros de Pôle emploi, soit trois fois moins que lors de son précédent emploi.

Pas question pour autant de se résigner. Gwendal Leroy a porté plainte contre X et contre l'Etat, le 24 janvier, tandis qu'Antoine Boudinet a déposé plainte, le 17 décembre contre Christophe Castaner et Didier Lallement pour "mutilation volontaire". Pourquoi cibler le ministre de l'Intérieur et l'ancien préfet de Gironde, aujourd'hui à Paris ?

"Je ne voulais pas attaquer le policier mais les commanditaires car l'Etat est responsable de mes blessures."Antoine Boudinet à franceinfo

"La dangerosité des GLI-F4 est reconnue depuis juin 2018. Le ministère a renoncé à utiliser ces grenades mais pas à écouler les stocks, complète son avocat, Jean-François Blanco. Antoine perd sa main pour une raison comptable, c'est la responsabilité directe du ministère de l'Intérieur." 

"Une enquête de police, ce n'est pas équitable"

Son client a été entendu début janvier mais depuis l'enquête piétine. Surtout, Jean-François Blanco demande à ce qu'une information judiciaire soit ouverte afin qu'un juge d'instruction reprenne le dossier en main. "Là, c'est une enquête de police, ce n'est pas équitable", dénonce-t-il. Il n'a pas eu de réponse à sa demande, ce qui ne décourage pas son client. "Ça peut durer plusieurs années, aboutir à un non-lieu mais je me battrai jusqu'au bout", jure Antoine Bondinet. Ce dernier pense que les choses s'accéléreront après la fin du "mandat de Macron". En ce moment, il ne fait pas "une confiance aveugle dans la justice".

Son compagnon d'infortune, Gwendal Leroy, lui, n'a toujours pas été entendu par la justice.

"Je n'attends absolument rien de la justice. Les 'gilets jaunes', on n'est rien aux yeux du gouvernement."Gwendal Leroy à franceinfo

"Nos vies ont changé pour avoir dit 'non' au gouvernement", conclut-il, résigné.

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1 juin 2019 6 01 /06 /juin /2019 09:17
 
Gilets jaunes : «L’Intérieur a été incapable
d’un maintien de l’ordre raisonné»
>Faits divers|Jean-Michel Décugis| 31 mai 2019, 20h38 |

Sebastian Roché, chercheur au CNRS, se montre critique sur la gestion des forces de l’ordre et les dérives policières auxquelles cela a mené. Selon lui, la crise est devant nous.

Les déclarations du procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, annonçant que des informations judiciaires avaient été ouvertes à Paris dans des dossiers mettant en cause des policiers, lors des manifestations des Gilets jaunes cet hiver, et affirmant que des policiers seraient renvoyés en correctionnelle d’ici la fin de l’année, ont suscité de multiples réactions, notamment parmi les syndicats de policiers, qui ont dénoncé ces décisions.

Nous avons demandé à Sebastian Roché, professeur à Sciences-Po Grenoble, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la police, ce qu’il pense de la gestion de la crise des Gilets jaunes par le ministère de l’Intérieur et l’appareil judiciaire.

Que pensez-vous des déclarations du procureur de la République de Paris ?

SEBASTIAN ROCHÉ. Le message subliminal du procureur, c’est : la police est sous le contrôle de la justice et des lois. Ses déclarations s’adressent au gouvernement, aux Gilets Jaunes, au Défenseur des Droits, à la Cour européenne des Droits de l’Homme, aux associations… Il répond aux critiques et aux questions qui ont été posées publiquement ces derniers mois. Il positionne en même temps son Parquet. D’un côté, il dit : la justice va passer, de l’autre, il parle de violences illégitimes, en reprenant le vocable du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. Une manière de ménager la chèvre et le chou. Il faut bien comprendre que la gestion politique et judiciaire de cette crise est devant nous.

Que pensez-vous des critiques sur le manque d’indépendance des parquets et de la police des polices, l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) ?

Toutes les faiblesses structurelles de notre système juridico-policier vont apparaître : faible indépendance de l’IGPN, statut ambigu du procureur… La question, aujourd’hui, est de savoir si la manière dont la justice se saisit des violences policières est satisfaisante. En France, le procureur est nommé et promu par l’exécutif, alors que c’est lui qui décide - ou non - d’ouvrir une enquête. Pour ce qui concerne le contrôle de la police, chez nos voisins il existe des structures de contrôle extérieures, en Belgique, en Angleterre ou au Danemark. Ce n’est pas la compétence des enquêteurs de l’IGPN qui est en cause, mais le fait qu’ils investiguent sur leurs collègues. Nos deux organes de contrôle, l’IGPN et l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), dépendent respectivement du directeur général de la police nationale (DGPN) et du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), qui eux-mêmes sont sous l’autorité du ministre de l’Intérieur.

Cela veut dire que la justice doit se repositionner ?

Oui, bien sûr. L’appareil continue à donner la prime à la parole du fonctionnaire de police ou du gendarme, bien qu’il n’y ait aucun fondement légal à cela. Or, aujourd’hui, ce n’est plus possible avec la déferlante de témoignages vidéos sur les réseaux sociaux. A Toulon, par exemple, le procureur n’a ouvert une enquête judiciaire qu’après que le Préfet en a ouvert une, administrative. Le procureur ne voulait pas voir ce que tout le monde avait vu sur les vidéos.

Peut-on parler d’un échec dans la gestion du maintien de l’ordre ?

Il n’y a pas eu de décès. Nos forces de l’ordre ont été capables de ne pas ouvrir le feu sur la foule. C’est un acquis important. En revanche, techniquement, le ministère de l’Intérieur a été incapable de mettre en place une politique raisonnée de maintien de l’ordre. Il a sorti tout son matériel : hélicoptères, blindés, lanceurs de balles de défense (LBD), grenades, policiers à moto, à vélo, à cheval, chiens… Avec, de surcroît, des effectifs pléthoriques, encore jamais vus dans la rue. Cette masse a créé une désorganisation. Et à la tête, un ministre novice en la matière. A l’étranger, la perception du maintien de l’ordre à la française a en a pris un coup. Doit-on faire comme s’il ne s’était rien passé ?

Considérez-vous que le chef de l’Etat et le ministre de l’Intérieur ont fait une erreur en ne condamnant pas verbalement certains dérapages policiers ?

Quand on entend le président de la République dire : il n’y a pas de violences policières en France parce que c’est une démocratie, pour un politologue, ce sont des propos incompréhensibles. La particularité des Etats de droit, c’est de reconnaître les fautes de leur police et d’encadrer celle-ci par des procédures et des lois.

Comment interprétez-vous le fait qu’aucune sanction n’a été prise à l’encontre de policiers ?

La note de service du Directeur général de la police nationale, rappelant le cadre légal et la doctrine aux forces de l’ordre, n’a été émise que mi-janvier. Cela a pu être interprété par les fonctionnaires comme un blanc-seing. Si on accepte que des agents aient un comportement violent, si on ne prend pas de sanctions, cela signifie que ces comportements sont permis. Des études effectuées par des chercheurs américains montrent que lorsqu’il y a des comportements déviants dans un groupe, ils ont un effet de contagion. Même après la note du DGPN, le ministre de l’Intérieur a continué à fermer les yeux sur la situation.

Que pensez-vous de la réaction indignée des syndicats de police après les propos du procureur de la République ?

Ils sont dans leur rôle. Leur mission, c’est de défendre les policiers. On peut toutefois leur reprocher de ne pas produire de travail d’analyse approfondi. Les syndicats sont surtout dans la revendication et la posture victimaire. Victimes des délinquants, des manifestants, des politiques… Lorsque j’entends certains syndicats demander une cour spéciale pour juger les policiers, c’est attristant. C’est contraire aux fondements même de la police démocratique. En réclamant un cadre juridique spécial, en tentant de s’isoler, comment comptent-ils renouer le lien entre la population et la politique ?

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  • : Vérité et Justice pour Ali Ziri
  • : Halte aux violences policières excessives et disproportionnées! Les droits humains ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel de la sécurité.
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