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10 août 2023 4 10 /08 /août /2023 19:17
Mort de Mohamed Bendriss
à Marseille : trois policiers mis en examen

Dans l’enquête sur le décès de Mohamed Bendriss, touché par un tir de LBD en pleine poitrine le 2 juillet lors des émeutes à Marseille, trois policiers du Raid ont été mis en examen pour « coups mortels » jeudi 10 août. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire. 

 A Marseille, trois policiers de l’antenne locale du Raid ont été mis en examen jeudi 10 août pour des « violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner » (autrement appelées « coups mortels »), a annoncé le parquet dans un communiqué. Dans la nuit du 1er au 2 juillet, Mohamed Bendriss, 27 ans, a été atteint par un tir de LBD dans le thorax, qui a causé une crise cardiaque mortelle. Un autre impact de LBD a été relevé sur sa cuisse droite. 

L’information judiciaire, ouverte le 4 juillet, devra notamment déterminer si les trois policiers mis en examen ont fait usage de leurs armes de manière régulière et proportionnée. À l’issue de leurs 48 heures de garde à vue, ils ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire, avec l’interdiction de participer à « des interventions concernant des violences urbaines et de grands événements sur la voie publique »

Sur BFMTV, avocat de l'un des trois policiers, Dominique Mattei, a salué un contrôle judiciaire « de pure forme ». Il qualifie son client de « professionnel honnête », reconnaissant avoir tiré « dans le contexte particulier dans lequel il a dû intervenir suite à la mission ponctuelle qui a été donnée au Raid »

Par la voix de son avocat, Arié Alimi, la veuve de Mohamed Bendriss se dit « soulagée d'apprendre l'identification des auteurs de ces crimes »  et demande « la requalification immédiate des faits en homicide volontaire »

 
Illustration 1 À Marseille, le samedi 1er juillet 2023. © Photo : Clément Mahoudeau / AFP

Le 1er juillet, Marseille connaît sa deuxième soirée d’émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel à Nanterre (Hauts-de-Seine). Mohamed Bendriss, livreur Uber Eats de nationalité algérienne, quitte son appartement proche de la gare Saint-Charles vers 20 heures, selon le témoignage de son épouse. Son cousin Lahcène se souvient d’avoir passé quelques minutes avec lui, entre 22 h 30 et 23 heures, dans un café de la Canebière. 

À 0 h 49, les proches de Mohamed reçoivent une dernière vidéo de lui, postée sur Snapchat : il filme alors une interpellation, rue Montgrand. Dix minutes plus tard, il s’effondre cours Lieutaud, juste devant chez sa mère, où il arrive en scooter. Malgré les efforts des pompiers, arrivés sur place à 1 h 07, puis des urgences de la Timone, où il est admis à 1 h 26, il n’a pas pu être réanimé. Son décès est prononcé à 2 h 05. 

Les premières semaines d’enquête visaient à déterminer à quel endroit du centre-ville Mohamed Bendriss avait été touché par ces tirs, par qui et dans quelles circonstances. Une première exploitation des caméras de surveillance situées sur le cours Lieutaud ne permettait de retracer que les derniers mètres de Mohamed Bendriss sur son scooter, sans casque et « recroquevillé sur lui-même »

Deux tirs de LBD, un tir de « bean bag » 

Grâce à d’autres images, les enquêteurs ont pu remonter jusqu’aux policiers du Raid, déployés depuis le 29 juin dans le centre-ville de Marseille pour faire face aux violences urbaines. Cette unité d’élite, plus rodée aux prises d’otages et aux interventions exceptionnelles qu’au maintien de l’ordre, est équipée de LBD et de « bean bags », des projectiles remplis de petites billes qui provoquent le même type de blessures. 

Dans son communiqué de presse du jeudi 10 août, le parquet de Marseille livre des précisions supplémentaires sur le contexte des tirs. Il indique que dans la nuit, « la colonne du Raid » a été « informée qu’un magasin Foot Locker et sa réserve avaient été une nouvelle fois pillés ». Le magasin en question est situé à l’angle de la rue Saint-Ferréol et de la rue Montgrand, à deux pas des lieux filmés par Mohamed Bendriss dans sa dernière vidéo. 

Les images de vidéosurveillance de la ville et d’un véhicule du Raid « démontrent qu’un homme avait pris la fuite depuis la rue Montgrand poursuivi par M. B. [Mohamed Bendriss – ndlr] à scooter qui avait tenté de prendre le sac dont il était porteur, contenant des marchandises volées dans ce commerce », poursuit le parquet. Celui-ci estime donc que « ces deux individus participaient à une action d’appropriation frauduleuse dans un contexte de pillage », justifiant une intervention des forces de l’ordre. 

Aux yeux d'Arié Alimi, au contraire, Mohamed Bendriss « a tenté d'empêcher la commission d’un vol par un pilleur de magasins ».  L'avocat déplore « une stratégie éculée et nauséabonde qui consiste à tenter de criminaliser maladroitement une victime » et à « salir la mémoire d'un homme tué par [des] policiers »

Tandis que les policiers du Raid interpellent le piéton, qui abandonne le sac en route, Mohamed Bendriss « parvenait quant à lui à s’enfuir à scooter, longeant la colonne du Raid en circulant à contresens sur le trottoir » (de la rue Montgrand, en direction de la rue de Rome), ajoute le parquet. Il est alors « atteint dans un laps de temps très court par deux tirs de LBD, dont l’un au niveau du thorax se révélera mortel, puis par un tir de munition type “bean bag” qui impactait son scooter ». Il poursuit sa route en deux-roues jusqu’au cours Lieutaud. 

Le 31 juillet, les proches de Mohamed Bendriss ont été reçus par la juge d’instruction pour leur première audition en tant que parties civiles. Une semaine plus tôt, Mediapart et Libération avaient rencontré Nour, la veuve du défunt, mère de son enfant et enceinte d’un deuxième. « Je veux que le policier qui a tué mon mari soit retrouvé », déclarait alors cette jeune femme de 19 ans, ajoutant : « On ne tue pas des gens comme ça, on ne laisse pas des familles souffrir derrière. Je ne lâcherai pas. » « Mon fils n’était pas avec les émeutes, je sais qu’il n’a rien fait », assurait de son côté Meriem, la mère de Mohamed.  

Le cousin de la victime éborgné la veille 

La veille du décès de Mohamed Bendriss, son cousin Abdelkarim Y., 22 ans, a été atteint à l’œil gauche par un projectile en passant à proximité de policiers, à l’angle de la rue Saint-Ferréol et de la rue Davso. Il en a perdu l’usage. Le jeune homme explique qu’il s’apprêtait à « tourner dans une ruelle » quand il s’est fait tirer dessus à une dizaine de mètres. Une enquête préliminaire pour « violences volontaires en réunion ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, par personne dépositaire de l’autorité publique et avec arme » a été ouverte. Abdelkarim Y. a été entendu par l’IGPN le 24 juillet.

D’après le témoignage d’Abdelkarim Y., recueilli par Mediapart et Libération le 22 juillet, et dont il a confirmé la teneur lors de sa déposition, les policiers du Raid pourraient également être en cause. La victime décrit des agents « habillés en noir, avec des casques noirs » qu’il n’avait « jamais vus dans Marseille » et reconnaît des camionnettes du Raid sur des images. Dans ses souvenirs, un policier muni d’une arme longue « sortait du toit » d’un véhicule et un autre était positionné « à côté », tandis que l’essentiel des fonctionnaires se trouvait à l’intérieur. 

« L’ordre qui a été donné de faire intervenir des policiers du Raid, qui n’ont pas vocation à intervenir dans des violences urbaines, est une faute politique grave, réagissait Arié Alimi, l’avocat d’Abdelkarim Y. et de la famille de Mohamed Bendriss, mardi 8 août. Elle a causé des morts et des mutilations. Le fait que deux cousins, d’origine maghrébine, puissent en être victimes à un jour d’intervalle doit interroger sur les critères d’opération du Raid. » 

Dans une troisième affaire marseillaise, survenue dans la nuit du 1er au 2 juillet, Hedi R., 22 ans, a été très gravement blessé à la tête par un tir de LBD suivi de ce qu’il décrit comme un « tabassage » en règle. Quatre policiers de la BAC ont été mis en examen pour des « violences aggravées » et l’un d’entre eux, soupçonné d’être le tireur, placé en détention provisoire. Le 3 août, malgré la fronde dans les rangs policiers, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a refusé de le remettre en liberté. 

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