Dans un contexte de remise en cause régulière des interventions des forces de l’ordre, la Défenseure des droits a publié, ce mardi 27 février, une étude sur leur attitude vis-à-vis de la déontologie et des relations avec la population. Menée par des chercheurs spécialisés dans les questions de sécurité comme Jacques de Maillard et Sebastian Roché, cette analyse se fonde sur un questionnaire conduit entre juin 2022 et mars 2023 auquel ont répondu 1 631 policiers et gendarmes nationaux. « Le recours à des scientifique permet d’asseoir la légitimité de nos travaux, de les étayer », justifie Céline Roux, adjointe de la Défenseure des droits chargée de la déontologie dans le domaine de la sécurité.
Principal enseignement à retenir de cette étude : la dégradation de la relation entre forces de l’ordre et population. Si comme le rappelle Céline Roux, « plus de 70 % des policiers et des gendarmes se montrent satisfaits ou très satisfaits des conditions d’exercice de leur métier », 40,8 % d’entre eux déclarent avoir fait l’objet d’une insulte ou d’une agression verbale dans le mois précédent. Relevons aussi que seulement 23,8 % des policiers et 34,3 % des gendarmes estiment « globalement faire confiance aux citoyens pour se comporter comme il faut ». « Il existe un différentiel dans les chiffres entre policiers et gendarmes, qui s’explique probablement par des cultures professionnelles différentes », analyse-t-elle.
L’usage de la force et les contrôles font débat
Véritable point de cristallisation, l’usage de la force est régulièrement au centre de l’actualité. « Plus de la moitié des policiers et des gendarmes pensent que leur mission principale consiste à arrêter les délinquants et à faire respecter la loi », pointe Céline Roux. Plus surprenant, 51,8 % des policiers et 45,2 % des gendarmes jugent même que l’exercice de leur mission prime sur le respect de la loi. Ils sont d’ailleurs 59,8 % à considérer que, dans certains cas, l’utilisation de davantage de force que ne le prévoient les textes devrait être toléré, même si plus de 90 % d’entre eux réprouvent son usage pour obtenir des aveux.
Autre sujet de discorde pour les policiers et les gendarmes : le contrôle de leur action. Parmi les répondants, 47,3 % n’approuvent pas l’information ou la justification de leur action devant les habitants. « Plus le niveau de formation et de hiérarchie sont élevés, plus les conditions de travail sont jugées satisfaisantes, et mieux les contrôles assurés par les inspections et la Défenseure des droits sont acceptés », analyse Céline Roux.
Une formation insuffisante
Un rejet qui s’explique aussi par une « connaissance insuffisante du contrôle externe et des organes en charge de la déontologie », estime la Défenseure des droits. En effet, si la quasi-totalité des répondants ont entendu parler du code de déontologie, 45,7 % d’entre eux déplorent être insuffisamment formés aux règles de déontologie.
Des chiffres qui traduisent un problème plus large de formation. Sur l’année écoulée, par exemple, seulement 5,5 % des policiers et 12 % des gendarmes disent avoir suivi une formation sur la désescalade de la violence, et respectivement 6,1 et 7,2 % d’entre eux ont été formés sur leur capacité à « réagir face à une personne qui pense qu’elle n’a pas été traitée de manière juste ou respectueuse ». De la même manière, 45,7 % des policiers et gendarmes s’estiment insuffisamment formés aux droits des citoyens : seuls 66,6 % ont étudié le droit des mineurs, 53,5 % le droit de la non-discrimination, 28,8 % le droit des réfugiés et des étrangers et 20,1 % les droits économiques et sociaux.
Faire la transparence sur les contrôles d’identité
Forte de ces résultats, la Défenseure des droits préconise « un certain nombre de recommandations formulées depuis plusieurs années », rappelle Céline Roux. La première : « renforcer la formation initiale et continue des policiers et des gendarmes ».
Par ailleurs, alors que 40 % des policiers et des gendarmes considèrent que les contrôles d’identité fréquents sont pas ou peu efficaces pour garantir la sécurité d’un territoire, et après que la Cour des comptes et le Conseil d’État aient relevé l’insuffisance de transparence et de cadre autour des contrôles d’identité, la Défenseure des droits recommande d’« améliorer la transparence des contrôles d’identité pour protéger les droits et libertés ». Elle suggère également de « mettre en place un dispositif d’évaluation de la pratique des contrôles d’identité, de leur efficacité et de leur impact sur les relations avec la population » et d’« assurer leur traçabilité ».