Dans la nuit du 5 au 6 mars 2015, la mort suspecte d’Amadou Koumé, 33 ans, était constatée au commissariat du Xe arrondissement après son arrestation dans un bar proche de la gare du Nord où le personnel avait appelé le 17 en raison du comportement inquiétant de la victime.
Six ans plus tard, le parquet de Paris requiert un procès en correctionnelle pour «homicide involontaire» contre trois policiers, estimant que les fonctionnaires sont responsables de négligences qui ont conduit au décès, a-t-on appris ce mercredi. Un membre de la Brigade anticriminalité (BAC) est notamment soupçonné d’avoir pratiqué abusivement la clé d’étranglement.
L’expertise médicale finale a conclu que la victime a succombé à un «œdème pulmonaire» causé par «l’association d’une asphyxie mécanique lente et d’une intoxication à la cocaïne», l’asphyxie ayant été favorisée par l’étranglement et son maintien au sol. L’enquête initiale s’était conclue par un classement sans suite mais un recours de la famille avait entraîné la réouverture des investigations en juin 2016 et les mises en examen des policiers.
Le ministère de l'Intérieur n'est finalement pas pressé de mettre un terme à la clé d'étranglement. L'annonce faite par Christophe Castaner le 8 juin était pourtant claire : «Si un policier ou un gendarme doit maintenir quelqu'un au sol lors de son interpellation, il sera désormais interdit de s'appuyer sur sa nuque ou son cou.» Mais sous la pression des syndicats de policiers, la Place Beauvau a vite reculé. En fin de semaine dernière, les différentes organisations ont été reçues au ministère, tandis que des rassemblements de policiers étaient organisés devant de nombreux commissariats. «S'il ne veut pas avoir la France policière à feu et à sang, il va bien devoir rétropédaler. On a face à nous un ministère chancelant», menaçait, après son rendez-vous, Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat majoritaire chez les gardiens de la paix, Unité SGP Police.
Le revirement est officiellement acté dans une note rédigée le 15 juin par le directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux. Si la clé d'étranglement «ne sera dorénavant plus enseignée dans les écoles de police», son abandon dans les faits dépend désormais des propositions d'un groupe de travail constitué pour trouver une «technique de substitution». Ses conclusions sont attendues avant le 1er septembre. Dans l'attente, «la technique dite de "l'étranglement" continuera d'être mise en œuvre avec mesure et discernement», écrit Frédéric Veaux.